TikTok, le réseau social chinois de partage de courtes vidéos, s’impose depuis quelques années comme l’une des plateformes les plus populaires en Afrique, notamment chez les jeunes. Mais cette popularité croissante est aujourd’hui mise à l’épreuve par une vague de critiques et de mesures restrictives.
Accusé de diffuser des contenus dégradants, violents ou immoraux, TikTok suscite des débats de plus en plus vifs sur le continent. Devant ces dérives, faut-il interdire TikTok ou simplement le réguler ? Comment protéger la jeunesse tout en préservant la créativité que le réseau social encourage ?
Un outil de créativité sous pression
TikTok a offert à de nombreux jeunes Africains une plateforme d’expression et d’opportunités économiques inédites. L’exemple de Khaby Lame, un Sénégalais résidant en Italie devenu la star mondiale de TikTok avec plus de 160 millions d’abonnés, illustre le potentiel créatif et économique qu’offre l’application.
Les contenus humoristiques, éducatifs et artistiques enrichissent le paysage numérique africain et permettent à une génération de jeunes créateurs de s’affirmer sur la scène internationale.
Cependant, cette liberté d’expression s’accompagne de dérives problématiques. Le réseau est critiqué pour héberger des vidéos de dépravation, des défis dangereux, des contenus de nudité et des messages haineux. Ces contenus exposent notamment les mineurs à des risques psychologiques et sociaux.
Au Kenya, en Somalie, au Sénégal et au Maroc, ces inquiétudes ont conduit à des débats parlementaires, à des suspensions temporaires et à des appels à une régulation stricte.
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Une menace pour les valeurs traditionnelles ?
Pour de nombreux pays africains, TikTok est perçu comme un vecteur de contenus contraires aux valeurs culturelles et morales locales. Des vidéos suggestives, la mise en scène de comportements provocants ou des actes illégaux posent problème dans des sociétés où la pudeur et le respect des normes sociales sont essentiels.
Au Maroc, les députés dénoncent notamment le risque de délinquance numérique, de harcèlement et de manipulation des plus jeunes. Les autorités sénégalaises ont quant à elles suspendu l’application le 2 août 2023 en raison de contenus jugés nuisibles.
Cette tension révèle une confrontation entre une jeunesse avide de modernité et d’expression libre et des autorités soucieuses de préserver un ordre social et culturel parfois perçu comme en déclin.
L’Afrique semble aujourd’hui se trouver à un carrefour : adopter TikTok comme une innovation à canaliser ou le rejeter comme une menace culturelle et morale ?
Réguler sans brider la créativité
Face à ce dilemme, plusieurs options s’offrent aux gouvernements africains. Une interdiction totale, comme en Inde ou en Afghanistan, serait une solution radicale mais priverait des millions de jeunes Africains d’un espace de créativité et d’opportunités économiques.
Une régulation stricte, quant à elle, semble plus équilibrée. En effet, le contrôle de la diffusion de contenus inappropriés tout en permettant des usages constructifs pourrait concilier les deux camps.
Le débat ne concerne pas uniquement TikTok. Les autres plateformes comme Facebook, Instagram ou X (anciennement Twitter) font face aux mêmes critiques, mais l’algorithme de TikTok, jugé particulièrement addictif et ciblé, amplifie le problème.
Il revient donc aux autorités de mettre en place des mécanismes de modération solides, des réglementations adaptées et des programmes de sensibilisation pour accompagner les jeunes utilisateurs.
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Vers une coopération panafricaine ?
Abdelkerim Yacoub Koundougoumi, directeur Afrique de l’organisation Internet Sans Frontières, appelle à une coopération panafricaine pour établir un cadre réglementaire commun, inspiré du Règlement général sur la protection des données (RGPD) européen.
Une telle initiative permettrait aux pays africains d’avoir un poids face aux géants technologiques comme ByteDance et d’exiger une meilleure modération des contenus pour protéger les citoyens.
En fin de compte, le véritable défi réside dans l’équilibre entre liberté d’expression et protection des valeurs sociales et des jeunes. Le progrès numérique est en marche, et l’interdiction pure et simple risque de priver l’Afrique d’une opportunité technologique et économique.
La clé pourrait résider dans une vigilance collective, une régulation appropriée et une éducation numérique renforcée pour préparer les jeunes à naviguer en toute sécurité sur ces plateformes.
Le débat est ouvert : TikTok est-il une chance ou une menace pour la jeunesse africaine ?
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