vendredi 20 septembre 2024

Niamey envisage la construction d’un nouvel oléoduc : Un projet ambitieux mais réaliste?

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Ces dernières semaines, Niamey a affiché clairement son intention de lancer la construction d’un nouvel oléoduc reliant ses champs pétroliers à ceux du Tchad. Lors d’une rencontre début juillet avec les autorités tchadiennes, la ministre tchadienne du pétrole, des mines et de la géologie a discuté de ce projet à Niamey. Les deux pays souhaitent « concrétiser dans les délais raisonnables » cette nouvelle infrastructure, qui fait suite à un accord donné par la partie tchadienne en mai.

Un projet stratégiquement pensé

Le pipeline prévu reliera les champs pétroliers d’Agadem, dans le nord-est du Niger, à ceux de Doba, dans le sud du Tchad, sur une distance de 985 kilomètres. Le pétrole y sera injecté dans une infrastructure existante depuis 2003, s’étendant jusqu’à Komè, dans le sud du Cameroun. Cette initiative vise à contourner les tensions diplomatiques récentes entre le Niger et le Bénin, une médiation étant en cours pour rapprocher Niamey et Porto-Novo.

Le Niger a achevé en mars 2024 la construction d’un oléoduc de près de 2000 kilomètres pour exporter son pétrole via le port de Cotonou. Cependant, les tensions diplomatiques avec le Bénin empêchent l’utilisation de cette infrastructure, poussant Niamey à envisager de l’abandonner pour construire un nouvel oléoduc vers le Tchad.

Défis sécuritaires : une menace à ne pas négliger

Les défis sécuritaires sont majeurs tant au Niger , au Cameroun qu’au Tchad. La zone d’Agadem, où sont situés les champs pétroliers nigériens, est sous la menace constante de groupes armés. Bien que 700 militaires soient déployés pour protéger l’infrastructure principale, ces forces sont insuffisantes pour sécuriser l’ensemble du pipeline existant, régulièrement ciblé par des sabotages.

Les groupes terroristes, tels que Boko Haram, demeurent très actifs dans la région. La CNPC, compagnie chinoise en charge de la maintenance des infrastructures pétrolières nigériennes, a suspendu ses projets de construction à Agadem en raison de l’insécurité croissante. La situation pourrait se compliquer davantage si les travaux de construction du nouvel oléoduc démarraient, notamment dans la région est du Niger, proche de la frontière nord du Nigeria, régulièrement attaquée par des groupes armés.

Au Tchad, la situation est tout aussi préoccupante avec la présence de rebelles et de groupes terroristes. Les autorités tchadiennes assurent avoir pris des dispositions institutionnelles pour mener à bien le projet, mais la menace reste omniprésente. Le premier tracé envisagé pour diriger le pétrole nigérien vers le Tchad avait été abandonné en raison de la virulence de Boko Haram et d’autres GATS. Cette menace persiste, notamment dans l’État de Borno, frontalier de la région de Diffa au Niger et bordant le lac Tchad.

Boko Haram a regagné en puissance ces derniers mois. L’International Crisis Group confirme cette analyse dans son dernier rapport, soulignant que le groupe reste très actif et pourrait perturber les travaux de construction du nouvel oléoduc sans des efforts supplémentaires de sécurisation.

Risques Économiques et Financiers

Le financement du nouvel oléoduc représente également un défi de taille. Avec un coût estimé à environ 4 milliards de dollars, il est crucial pour Niamey de trouver des financements adéquats. La Chine avait financé l’oléoduc reliant Agadem à Sèmè-Kpodji à hauteur de 2,4 milliards de dollars, et un montant similaire serait nécessaire pour le nouveau projet. Les options de financement comprennent l’endettement, les partenariats public-privé, ou l’utilisation de fonds propres, bien que cette dernière option semble peu probable en raison du déficit budgétaire du Niger, prévu à 34 % cette année.

Malgré un taux d’endettement soutenable et des perspectives de croissance grâce aux revenus pétroliers, la crise diplomatique avec le Bénin ralentit les recettes issues du pétrole. Cette situation pourrait compromettre la capacité du Niger à financer le nouvel oléoduc sans recourir à un endettement supplémentaire ou à des investissements étrangers.

La réalisation du projet d’oléoduc entre le Niger et le Tchad est ambitieuse et prometteuse pour l’économie nigérienne, mais elle est entravée par des défis sécuritaires et financiers majeurs. Le succès de cette initiative dépendra de la capacité des deux pays à sécuriser les zones concernées et à mobiliser les fonds nécessaires pour la construction de cette infrastructure stratégique.

Peut-être est-il temps pour Niamey et Cotonou de se débarrasser des égos de personnes et de fumer le calumet de la paix, pour accélérer la croissance économique et favoriser le bien être des populations?

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