Le Premier ministre civil malien, Choguel Kokalla Maïga, a lancé un appel aux autorités militaires du pays pour discuter de la fin de la période dite de « transition ». Dans une critique rare envers la junte au pouvoir, Maïga a dénoncé l’absence de consultation sur les décisions concernant l’avenir du pays et exprimé son inquiétude sur la dérive de cette transition.
Un report de la transition sans débat gouvernemental
Depuis les coups d’État successifs de 2020 et 2021, le Mali est dirigé par une junte militaire. En juin 2022, les autorités militaires avaient promis d’organiser des élections et de transférer le pouvoir aux civils d’ici mars 2024. Cependant, cette échéance a été reportée sans date précise, et selon Maïga, cette décision a été prise sans concertation au sein du gouvernement.
« La transition devait se terminer le 26 mars 2024. Mais elle a été reportée indéfiniment, unilatéralement, sans aucun débat », a déclaré Choguel Maïga, devant ses partisans du mouvement M5-RFP. Il a ajouté qu’il est inadmissible qu’un Premier ministre soit informé par la presse ou des rumeurs concernant des décisions aussi importantes.
« Le spectre de la confusion et de l’amalgame »
Dans son discours, Maïga a dénoncé la confusion qui règne autour de la transition et a averti des risques de « graves remises en cause » et d’un possible retour en arrière. Cette déclaration publique, inhabituelle pour un Premier ministre en fonction, met en lumière des tensions internes au sein du gouvernement malien, où le pouvoir semble monopolisé par la junte.
« Le spectre de la confusion et de l’amalgame plane sur la transition, avec des risques sérieux de bouleversements », a affirmé Maïga. Malgré cette critique, il a souligné son soutien aux forces armées maliennes et a appelé à l’unité et au respect des autorités politiques, qu’il considère comme le socle de la stabilité nationale.
Lire aussi : Mali : les douanes maliennes ont saisi une énorme quantité d’explosifs à Bamako
Une réaction mitigée dans la classe politique
Les déclarations de Maïga ont provoqué des réactions contrastées au sein de la classe politique malienne. Pour certains partisans de la junte, le Premier ministre devrait être démis de ses fonctions, accusant Maïga de « haute trahison ».
En revanche, certains opposants voient en lui un chef de file potentiel de l’opposition au régime militaire. Fousseyni Faye, membre d’un groupe d’opposants en exil, estime que Maïga est devenu un « opposant » à la junte.
Ismaël Sacko, président du Parti social-démocrate africain et membre de la coordination des organisations opposées à la junte, a salué le discours de Maïga comme un acte courageux, mais a également souligné l’isolement politique croissant du Premier ministre.
Répression des critiques de la junte
Les critiques envers la junte militaire ne sont pas sans conséquence. En mai, le mouvement M5-RFP, auquel appartient Maïga, a publié une déclaration critiquant ouvertement le report des élections. Un allié de Maïga ayant signé cette déclaration a été condamné à un an de prison, bien qu’il ait été libéré en septembre.
En outre, onze personnes ayant dénoncé l’action de la junte ont été arrêtées en juin, accusées de « complot contre les autorités légales ». Ces arrestations montrent la tolérance limitée des autorités militaires envers la dissidence, renforçant l’image d’un gouvernement intransigeant face aux voix critiques.
Lire aussi : Mali : un imam condamné à deux ans de prison pour propos misogynes
Une crise politique et sécuritaire persistante
Depuis 2012, le Mali est plongé dans une crise politique et sécuritaire alimentée par des attaques de groupes djihadistes, des conflits armés et des revendications séparatistes dans le nord du pays. Cette situation, combinée à une instabilité politique prolongée, fragilise davantage le pays et complique toute tentative de retour à une gouvernance civile.
Les propos de Maïga reflètent un climat de frustration croissant et posent la question de la durabilité de la transition militaire. Tandis que certains appellent à sa démission, d’autres voient en lui une figure pouvant jouer un rôle clé dans la future gouvernance du Mali.
Views: 9