lundi 24 février 2025

Mali : la rupture consommée entre Choguel Maïga et la junte militaire

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L’ancien Premier ministre malien Choguel Kokalla Maïga a officialisé sa rupture avec la junte militaire dirigée par le général Assimi Goïta, dénonçant une série de dérives autoritaires et de mises à l’écart. Son limogeage en novembre dernier, suivi d’accusations de malversations financières, marque une nouvelle fracture dans la transition politique au Mali.

Une alliance brisée

Choguel Maïga, figure centrale du Mouvement du 5-Juin/Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), avait joué un rôle clé dans la contestation qui a conduit au renversement de l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta en août 2020. Devenu Premier ministre après le second coup d’État de 2021, il incarnait la tentative d’une transition politique impliquant les civils.

Cependant, ses critiques croissantes envers la junte et son exclusion progressive des processus décisionnels ont mené à son éviction le 20 novembre 2024. Il a été remplacé par un militaire, le général Abdoulaye Maïga, consolidant ainsi l’emprise des forces armées sur le pouvoir.

Détentions, pressions et marginalisation

Lors d’une conférence de presse le 22 février, Choguel Maïga a dénoncé « la rupture définitive » du pacte d’honneur de mai 2021 entre le M5-RFP et les militaires. Il a évoqué des « détentions extrajudiciaires » de membres du M5-RFP, ainsi que son exclusion des décisions majeures, notamment sur la prolongation du pouvoir de la junte, la nomination de hauts responsables et l’élaboration des budgets annuels.

Pour lui, la transition a dérivé vers une gouvernance autoritaire, marquée par des pratiques contraires aux idéaux défendus par son mouvement. « Plusieurs actes et comportements inimaginables se manifestent de jour en jour », a-t-il fustigé, soulignant un danger pour les « acquis » de la lutte démocratique.

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Un climat politique sous tension

La junte, qui avait initialement promis des élections en mars 2024, n’a fixé aucune nouvelle échéance et continue de verrouiller l’espace politique. L’opposition est muselée par des arrestations, des dissolutions d’organisations et des restrictions à la liberté de la presse, tandis que le discours dominant met en avant la nécessité de l’unité face aux défis sécuritaires.

Dans ce contexte, l’éviction de Choguel Maïga s’accompagne d’accusations de corruption. Un rapport du Bureau du vérificateur général (BVG) a révélé des irrégularités financières au sein de l’Agence de gestion du fonds d’accès universel (Agefau), dont il était président du Conseil d’administration. Près de 92 millions de F CFA de redevances non reversées, des dépenses indues et des équipements disparus figurent parmi les griefs soulevés.

Si certains détournements remontent à la période antérieure à son passage au gouvernement, son entourage y voit une manœuvre politique pour le discréditer. Le BVG, de son côté, affirme avoir agi sur la base d’une « saisine reçue d’un citoyen ».

Vers un duel politique ?

Alors que le général Assimi Goïta est pressenti pour briguer un mandat présidentiel, l’affaire Maïga pourrait devenir un test pour la junte. Le climat politique tendu, les revendications démocratiques et les enjeux sécuritaires rendent incertaine l’issue de cette crise.

Pour l’instant, Choguel Maïga semble déterminé à incarner une opposition contestataire, à rebours de son passé de compagnon de route du régime. Reste à savoir si la junte lui laissera cet espace ou si elle poursuivra sa stratégie de marginalisation de toute voix dissidente.

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