mardi 19 novembre 2024

Mali : Choguel Maïga et Assimi Goïta, des panafricanistes en discorde

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Samedi dernier, devant les militants du Mouvement du 5 Juin – Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP), lors du premier anniversaire de la libération de Kidal par l’armée malienne et leurs alliés, notamment les paramilitaires de Wagner, le Premier ministre malien Choguel Kokala Maïga a lancé un appel inédit.

Il a invité la junte militaire à discuter de la fin de la transition et du calendrier électoral. « La transition était censée prendre fin le 26 mars 2024, mais elle a été reportée sine die, unilatéralement, sans débat au sein du gouvernement », a-t-il dénoncé devant un parterre de militants acquis à sa cause.

Leader charismatique du M5-RFP, le mouvement à l’origine des manifestations qui ont précipité la chute de l’ex-président Ibrahim Boubacar Keïta, Choguel Maïga a également exprimé sa frustration face à sa mise à l’écart des décisions stratégiques. Il a ouvertement accusé la junte de « ne pas vouloir remettre le pouvoir » aux civils, accentuant ainsi les dissensions au sein du régime.

Un discours qui divise

Cette prise de position, perçue comme une rupture avec la ligne de la junte, a provoqué des réactions immédiates. Le Collectif pour la Défense des Militaires (CDM) a donné 72 heures au Premier ministre pour démissionner, l’accusant de « haute trahison ». L’Alliance pour la Refondation au Mali (AREMA) s’est jointe à ces appels, demandant au président de la transition, Assimi Goïta, de le démettre de ses fonctions.

Cependant, Choguel Maïga bénéficie également de soutiens. Ismaël Sacko, président du Parti Social-Démocrate Africain (PSDA) et membre de la Coordination des Organisations de l’Appel du 20 Février 2023, a salué son courage, tout en soulignant que le Premier ministre est aujourd’hui « un homme blessé, esseulé, qui n’a plus de pouvoir réel ».

Lire aussi : Mali : Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga appelle la junte à mettre fin à la transition

Une transition fracturée

Ce discours met en lumière les fractures profondes au sein de la transition malienne. Longtemps perçu comme un soutien inconditionnel de la junte, Choguel Maïga reconnaît désormais publiquement son rôle marginal.

Fodié Tandjigora, maître de conférences à l’Université de Bamako, confirme cette analyse : « Beaucoup de décisions importantes sont annoncées à la télévision sans que le Premier ministre ou les membres du gouvernement ne soient consultés. Ce qu’il dénonce, c’est son isolement face aux dossiers stratégiques. »

Un observateur anonyme va plus loin en affirmant que « dans ce discours, c’est Assimi Goïta lui-même qui est visé ». Selon lui, les divisions internes au sein de la junte, notamment entre les partisans d’Assimi Goïta et ceux du ministre de la Défense, Sadio Camara, expliqueraient cette sortie.

Choguel Maïga : démission ou résistance ?

Malgré la pression, Choguel Maïga ne semble pas prêt à jeter l’éponge. Seul Assimi Goïta, chef de la transition, peut le démettre de ses fonctions. Mais ce dernier aura-t-il le courage de prendre une telle décision dans un contexte de tensions croissantes ?

Pour Choguel Maïga, ce revirement marque un changement de cap. Lui qui, dans le passé, avait invité les militaires à être candidats aux élections présidentielles, se retrouve aujourd’hui à critiquer ouvertement leur mainmise sur le pouvoir. Une volte-face qui révèle les luttes de pouvoir internes et pose la question de l’avenir de cette transition.

Panafricanisme ou dérive autoritaire ?

Le discours de Choguel Maïga, prononcé en treillis lors d’un rassemblement à Bamako, sonne comme une rupture. « Nous étions bien partis, forts de l’appui de la Nation tout entière. Nous étions des modèles. Aujourd’hui, ne sommes-nous pas en passe d’être dépassés ? », a-t-il déclaré.

Son allocution, teintée d’amertume, semble marquer la fin de la cohabitation entre civils et militaires dans la transition. Le Mali, naguère présenté comme un exemple de résilience panafricaine, voit aujourd’hui son unité remise en question.

Est-on surpris de voir les militaires au Mali, au Burkina Faso et au Niger s’accrocher au pouvoir ? L’appétit vient en mangeant, et les hommes en treillis semblent peu enclins à quitter les salons climatisés pour regagner les casernes. Reste à savoir quel sera le prochain épisode de ce feuilleton politique mouvementé.

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