« Quand vous êtes prisonnier politique, le premier devoir c’est de vous évader. » Cette phrase, lâchée le 15 avril 2025 par Me Adrien Houngbédji au Sommet de la Jeunesse Béninoise, a immédiatement fait le tour des réseaux sociaux, des rédactions et des cercles intellectuels.
Elle résonne, en surface, comme un appel à la résistance, une ode à la liberté face à l’oppression. Mais en y regardant de plus près, cette formule, aussi brillante qu’ambiguë, mérite une mise au clair. Non pas pour la censurer, mais pour en interroger les fondements, les implications et, surtout, la responsabilité qu’elle engage.
Car enfin, de quoi parle-t-on ? De prison politique ou de politique en prison ? D’un homme d’idées opprimé pour ses convictions ou d’un homme politique rattrapé par des faits de droit commun ? Si la formule impressionne, elle brouille dangereusement les frontières entre la légitimité de la contestation et l’impunité des puissants.
Il y a bien sûr, dans l’histoire, des prisonniers politiques authentiques : Nelson Mandela, Aung San Suu Kyi (dans une première vie), ou encore Patrice Lumumba. Des femmes et des hommes enfermés non pour leurs actes, mais pour leurs idées. Leur évasion, quand elle a eu lieu, a été morale, collective, ou arrachée par des peuples debout.
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Mais ce qui est aujourd’hui présenté comme une injonction (« le devoir de s’évader ») devient inquiétant si elle sert de paravent à ceux qui, sous le manteau de la politique, voudraient fuir la justice.
Car s’évader n’est pas un acte neutre. C’est, par définition, se soustraire à une procédure judiciaire, à un processus de vérité. Or, en démocratie, le premier devoir de tout citoyen (y compris de l’homme politique) est de répondre devant la loi. Même quand cette loi semble instrumentalisée. Car c’est en la confrontant, en la démasquant si besoin, par la transparence et la résistance civique, qu’on la fait plier. Pas en la fuyant.
Alors, posons la question autrement : s’il faut s’évader, encore faut-il être réellement prisonnier d’un système. Mais n’est-ce pas parfois la vérité qui nous enferme ? La politique, parce qu’elle est noble, ne saurait devenir un sauf-conduit pour échapper à la justice. La légitimité d’un combat ne peut pas s’auto-proclamer ; elle doit être reconnue par l’épreuve du droit, par l’écho du peuple, par la clarté des intentions.
À une jeunesse avide de repères, faut-il dire que la fuite est un acte de bravoure ? Non. La vraie grandeur réside dans le courage de faire face, dans la capacité à transformer l’épreuve en tribune, la détention en dénonciation pacifique, le procès en miroir des dérives.
Que l’on dénonce les prisons politiques, oui. Qu’on glorifie l’évasion comme un devoir, non. Car sinon, demain, chacun invoquera la politique pour s’exonérer de ses fautes. Or, si la prison peut être une injustice, la politique n’est jamais une immunité.
Et si, en vérité, ce n’était pas un prisonnier politique dont il est question, mais bien un politique prisonnier de ses actes ?
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