Dans une récente déclaration, le général de police Louis Philippe Houndégnon a comparé la lutte contre le terrorisme en Corse avec celle des groupes armés terroristes au Sahel. Cette comparaison mérite une analyse approfondie, car elle semble négliger des différences fondamentales entre ces deux contextes de terrorisme.
Nature des menaces
En Corse, les menaces terroristes sont principalement le fait de groupes radicaux ayant des revendications nationalistes. Ces groupes, bien qu’armés, opèrent dans un cadre territorial relativement limité et ont des objectifs principalement politiques. En revanche, au Sahel, la menace est représentée par des groupes armés terroristes (GATS) comme Boko Haram et AQMI. Ces groupes, souvent motivés au départ par des idéologies islamistes radicales, cherchent non seulement à déstabiliser les États mais également à établir des régimes basés sur des interprétations extrêmes de la loi islamique. Les menaces au Sahel sont donc de nature différente, impliquant des enjeux géopolitiques plus complexes et une portée régionale.
Contexte géographique et politique
La Corse bénéficie d’une gouvernance stable et d’un contrôle territorial efficace par les autorités françaises. En revanche, le Sahel est une région marquée par une gouvernance fragile, des conflits armés prolongés et des défis socio-économiques significatifs. Les groupes terroristes au Sahel exploitent ces faiblesses pour étendre leur influence et contrôler des territoires. Cette instabilité crée un environnement beaucoup plus complexe pour la lutte contre le terrorisme.
Réponses aux menaces
En France, la gestion du terrorisme intérieur repose principalement sur des unités spécialisées de la police telles que la DGSI, le RAID et la BRI. Ces forces sont conçues pour répondre aux menaces internes de manière ciblée et efficace. Au Sahel, la situation exige une approche différente. La réponse combine les efforts des forces armées pour défendre les territoires et des services de police pour assurer le renseignement et prévenir les infiltrations. Les forces armées se concentrent sur les engagements directs avec les groupes terroristes, tandis que la police joue un rôle crucial dans le soutien aux opérations militaires, la défense des infrastructures et la protection des civils.
Rôle de la police
La police en Corse est directement impliquée dans la prévention et la réaction face aux actes de terrorisme interne. En revanche, au Sahel, la police ne peut pas se substituer aux forces armées dans la défense du territoire mais joue un rôle d’appui essentiel. Elle est responsable du renseignement, de la prévention des recrutements terroristes et de la protection des zones vulnérables. Cette distinction est cruciale pour comprendre les rôles respectifs des forces de sécurité dans chaque contexte. « Les policiers ne sont pas formés pour le combat en rase campagne aux frontières. La défense opérationnelle du territoire est une affaire des armées » commente un expert en sécurité et défense contacté par notre rédaction.
Comparer la lutte contre le terrorisme en Corse avec celle au Sahel ignore les spécificités géopolitiques, géographiques et opérationnelles de chaque région. Les stratégies doivent être adaptées aux réalités locales, et une approche différenciée est essentielle pour répondre efficacement aux défis uniques que pose chaque contexte de terrorisme.
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