La troisième journée du procès sur la disparition de Pierre Urbain Dangnivo s’est déroulée ce jeudi 13 mars 2025 au tribunal de Cotonou. Marquée par des témoignages cruciaux et des demandes d’investigation supplémentaires, cette audience a confirmé la complexité de l’affaire et le poids des incertitudes qui subsistent, plus de 14 ans après les faits.
Un procès qui s’étire dans le temps
Dès l’ouverture de l’audience, le président de céans, Guillaume Lally, a annoncé que le procès, initialement prévu pour s’achever le 14 mars, serait prolongé sur plusieurs jours. Cette décision vise à faire toute la lumière sur les zones d’ombre qui persistent. Un choix qui a été unanimement salué par les avocats présents.
Le témoignage clé du Colonel Séverin Koumasségbo
L’un des moments forts de cette journée a été l’audition de l’ancien chef de la sécurité présidentielle, le Colonel à la retraite Séverin Koumasségbo, appelé à témoigner. Il a notamment confirmé avoir reçu une somme de 1 million de francs CFA des mains de l’ex-chef de l’État, sans toutefois établir de lien entre cet argent et l’affaire Dangnivo. À la question de savoir si Pierre Urbain Dangnivo fréquentait souvent la Présidence, l’ex-colonel a répondu qu’il n’en avait aucune idée, ajoutant que si cela avait été le cas, son nom devrait figurer dans le registre des visiteurs, un document dont il ignore aujourd’hui l’existence.
Interrogé sur son implication dans l’affaire, Koumasségbo a nié tout lien avec la disparition de Dangnivo. Il a également rejeté toute relation avec Enock Laourou, l’un des protagonistes du dossier. Par ailleurs, il a affirmé ne jamais avoir remis d’argent à Donatien Amoussou ou à un certain Priso, contredisant ainsi certaines déclarations faites à la barre.
Les contradictions des différents témoins
L’audience a également été marquée par des contradictions entre les témoignages. Donatien Amoussou, lui-même accusé dans l’affaire, a livré une version troublante des faits, affirmant qu’il avait refusé de déposer un téléphone à Océan FM sur instruction du Colonel Koumasségbo. Il soutient que ce refus aurait conduit à son arrestation. Priso, un individu présenté comme un informateur, aurait quant à lui accepté de livrer l’appareil en échange de 2 millions de francs CFA.
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De son côté, Alofa Codjo Cossi a une nouvelle fois réaffirmé que Donatien Amoussou n’avait aucun lien avec la disparition de Dangnivo. Il a également dénoncé des manœuvres visant à lui faire porter la responsabilité du crime sous la contrainte. Il affirme notamment qu’un gendarme, Lucien Degbo, lui aurait demandé d’accuser un autre témoin, Tchiakpé Jérôme. Ce dernier, ancien détenu dans l’affaire, a déclaré qu’il ignorait tout de Dangnivo avant son arrestation et que ses cinq années passées en prison avaient irrémédiablement bouleversé sa vie.
Une reconstitution et des vérifications attendues
Face aux incertitudes soulevées lors des témoignages, le président de céans a ordonné plusieurs vérifications. Il a demandé au ministère public d’établir si l’avenue de la Marina était en chantier en 2010 et a exigé une reconstitution sur les lieux où Donatien Amoussou aurait eu une altercation avec un gendarme. Par ailleurs, une équipe sera envoyée au bureau d’Enock Laourou afin de déterminer si un bruit pouvait être entendu jusqu’à la baie des officiers.
Enfin, la cour a convoqué l’ancien directeur de l’ORTB, Julien Akpaki, afin d’éclaircir le rôle qu’il a joué dans cette affaire. La récupération des registres des visiteurs de la Présidence de l’époque a également été demandée pour vérification.
Une enquête médico-légale sous tension
Sur le volet médico-légal, le professeur Cédric Bigot, médecin légiste, a apporté des précisions sur les analyses ADN réalisées sur les restes présumés de Pierre Urbain Dangnivo. Il a confirmé avoir effectué des prélèvements osseux et tissulaires dès 2010 et que certains échantillons avaient été envoyés en France pour expertise. Toutefois, un flou demeure quant à la conservation des échantillons sur une période aussi longue, question soulevée par l’un des avocats de la défense.
Brice Topanou, huissier de justice, a également été interrogé sur l’exhumation du corps en 2010. Il a reconnu ne pas se souvenir si un huissier était présent lors de l’opération, ce qui ajoute encore une incertitude quant à la rigueur de la procédure suivie à l’époque.
Vers une issue incertaine
Cette troisième journée d’audience a mis en évidence des contradictions et des incohérences dans les différentes versions des faits. Le prolongement du procès devrait permettre d’explorer davantage ces pistes et de confronter de nouveaux témoins aux éléments déjà recueillis.
La reprise du procès est prévue pour mercredi prochain, avec de nouvelles auditions qui pourraient apporter des éléments décisifs sur cette affaire vieille de 14 ans.
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