Au Bénin, les avocats chargés de la défense d’Olivier Boko, Oswald Homéky et leurs coaccusés dans l’affaire qui les oppose à la justice béninoise ont rapidement réagi au récent communiqué du procureur spécial près la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET), Mario Mètonou.
Ce dernier avait qualifié leurs décisions de « manœuvres dilatoires » et de « chantage », suscitant une réponse cinglante des conseils de la défense. Les avocats ont rejeté les accusations formulées par Mario Mètonou.
Selon eux, leur décision de se déconstituer était motivée par de nombreuses irrégularités qu’ils considèrent comme incompatibles avec un procès équitable. Parmi les éléments avancés, les avocats pointent des anomalies dans les procédures judiciaires engagées contre leurs clients.
Consultez ci-dessous leur communiqué
(Affaire: Ministère public c/ Coffi Ange Olivier BOKO et Selbourne Oswald HOMEKY et autres accusés)
Le procès opposant le Ministère public à Messieurs Coffi Ange Olivier BOKO et Selbourne Oswald HOMEKY s’est ouvert le 21 janvier 2025, marquant une étape cruciale dans une affaire qui interpelle les fondements mêmes de notre système judiciaire.
Dès l’ouverture de l’audience, la défense, unanime, a soulevé une irrégularité grave touchant à la composition de la chambre de jugement.
La chambre de jugement ne comptait en effet que trois (3) juges, au lieu de cinq (5) en contradiction avec les dispositions pertinentes:
d’une part, l’article 19 de la loi n°2018-13 du 02 juillet 2018 portant création de la CRIET telle que modifiée par la loi n°2020-07 du 17 février 2020 qui énoncent que la procédure applicable devant la CRIET est celle prévue au Code de procédure pénale;
d’autre part, de l’article 254 du Code de procédure pénale qui prescrivent qu’en matière criminelle, la juridiction est composée d’un Président et de quatre assesseurs.
La défense a également invoqué des éléments objectifs jetant une ombre sérieuse sur l’impartialité de Madame Christelle ADONON, juge-président de la chambre.
Ces vices d’une gravité exceptionnelle constituent des empêchements dirimants, rendant illégitime toute poursuite des débats.
Toutefois, à la stupéfaction générale, la juridiction a décidé de joindre les incidents au fond.
Une telle posture, bien qu’incompréhensible, est révélatrice de la gestion biaisée du dossier depuis l’enquête préliminaire.
Dans ce contexte, les Avocats de la défense ont, après une concertation libre et éclairée avec leurs clients, décidé d’annoncer, séance tenante leur déconstitution. Cette décision, bien qu’exceptionnelle, traduit une posture ferme et déterminée de la défense, refusant de cautionner une procédure qui bafoue à la fois la lettre et l’esprit de la loi ainsi que les droits fondamentaux des accusés.
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Mais, dans un communiqué abondamment rélayé sur les réseaux sociaux et qui proviendrait du Procureur spécial près la CRIET, celui-ci aurait qualifié les choix opérés par les Avocats de manœuvres dilatoires et de chantage.
Nous voudrions, sans rentrer dans une vaine polémique, appeler l’attention de l’opinion publique sur le passage de l’article 6 de la loi n°2020-07 prétendument cité par le communiqué du Procureur spécial qui, contre toute honnêteté intellectuelle, a cru devoir tronquer l’alinéa et supprimer les trois premiers mots du texte dans un but de désinformation.
Voici en effet l’intégralité de l’alinéa cité: “En audience ordinaire, la Chambre de jugement siège en formation collégiale composée d’un (01) juge-président et de deux (02) juges- assesseurs.”
Or, c’est précisément sur le fondement du double vocable “audience ordinaire” que la défense a soutenu l’irrégularité de la composition de la Cour à la lueur des dispositions légales sus évoquées en rappelant que le procès a lieu dans le cadre d’une session criminelle spécialement convoquée par le Président de la CRIET suivant ordonnance n°003/2025 du 14 janvier 2025 et non en audience ordinaire..
En procédant ainsi qu’il l’a fait, le Procureur spécial a méconnu les dispositions de la loi qui l’obligent à ne communiquer au public que les éléments objectifs tirés de la procédure.
Depuis le début de cette affaire, Messieurs BOKO et HOMEKY subissent un traitement indigne:
Des conditions de détention marquées par un isolement total 24h/24 s’assimilant à la torture et caractérisant des traitements inhumains et dégradants;
Une procédure inéquitable caractérisée par :
-l’absence de traçabilité de certains actes, en raison du non-établissement de procès-verbaux ;
-le rejet arbitraire des nullités et des demandes de mesures d’instruction;
-l’émergence d’un arrêt mystérieux et suspect mettant à la charge des personnes poursuivies une infraction de “participation à une entreprise terroriste” pourtant non contenue dans les chefs de poursuite;
-des décisions de justice entachées de faux;
-une célérité incompatible avec une bonne administration de la justice et un exercice effectif des droits de la défense;
-des restrictions illégales à l’accès à une défense effective et aux droits de visite et de communication pour les avocats, aggravées par la condamnation à titre personnel d’un avocat à une amende civile pour avoir osé dénoncer, par voie de récusation, le parti pris manifeste des juges;
-l’exigence d’un permis de communiquer aux avocats en violation de la décision de la Cour constitutionnelle jugeant le permis de communiquer illégal.
Eu égard à tout ce qui précède, nous Avocats de la défense, réaffirmons avec force notre attachement à l’Etat de droit et à une justice transparente, respectueuse de la loi.
Fait à Cotonou, le 22 janvier 2025
Les avocats de la défense
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