En moins d’une semaine, Hervé Patrick Opiangah (HPO), ancien ministre des Mines et président de l’Union pour la Démocratie et l’Intégration Sociale (UDIS), est passé du statut d’influent homme politique à celui de fugitif. Cette affaire, entre accusations de corruption, perquisitions musclées, et querelles de pouvoir, soulève des interrogations majeures sur la crédibilité démocratique du régime de transition gabonais.
La montée des tensions politiques : un contexte délicat
Avant la crise, HPO jouissait d’une position privilégiée, notamment en tant que proche allié d’Ali Bongo et intermédiaire entre l’opposition et le général Oligui Nguema. Perçu comme l’un des rares civils influents du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), HPO incarnait une figure respectée dans les milieux politiques gabonais. Toutefois, son appel public à voter « non » au référendum constitutionnel du 16 novembre, qu’il jugeait manipulateur, ainsi que sa critique d’un accord financier de 65 milliards de FCFA entre l’État gabonais et la société Webcor, ont contribué à tendre davantage le climat politique.
Un accord controversé et ses répercussions
L’accord entre l’État gabonais et Webcor, une entreprise ayant perdu un procès contre le Gabon en 2018, prévoit désormais un versement de 65 milliards de FCFA en faveur de la société. Considérant cet arrangement comme une « escroquerie manifeste », HPO s’est publiquement opposé à cet accord, une prise de position qui semble avoir précipité les événements et envenimé ses relations avec les autorités de transition.
La spirale judiciaire : 72 heures de convocation, perquisitions et arrestations
Le 20 novembre 2024, HPO est convoqué par la Direction des Affaires Criminelles, avec seulement deux heures de préavis. Considérant ce délai comme insuffisant pour préparer une défense, ses avocats demandent un report, en vain. Cette convocation, portant sur une affaire présumée de mœurs, marquera le début d’une escalade.
Dans l’après-midi, des perquisitions successives visent le domicile de HPO, ses résidences secondaires, le siège de l’UDIS, et même une ferme lui appartenant. Ces opérations, menées sans mandat confirmé, sont jugées excessives par la presse locale, qui dénonce une instrumentalisation de la justice.
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Arrestations et pressions : l’entourage d’Opiangah visé
La nuit du 20 au 21 novembre, les autorités intensifient la pression en arrêtant plusieurs proches de HPO, dont sa fille, sa femme et deux de ses fils. Bien que certains soient rapidement relâchés, cette série d’interpellations alimente le soupçon d’une campagne de harcèlement coordonnée, visant à affaiblir l’ancien ministre. Des perquisitions sont également effectuées chez ses avocats et son frère, élargissant encore le périmètre de l’enquête.
Une affaire aux enjeux politiques complexes
HPO, anticipant les accusations, avait déposé une plainte contre X le 20 novembre, dénonçant un complot visant à l’incriminer pour « atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ». Selon lui, une réunion secrète de « hautes personnalités » aurait eu pour but de planifier son inculpation. L’absence de mandat pour les perquisitions, la rapidité des procédures, et l’évocation d’accusations graves sans preuve apparente, suscitent des doutes quant à la transparence de la justice dans cette affaire.
Implications pour la transition gabonaise
Cette crise constitue un test crucial pour le régime de transition. La simultanéité des poursuites judiciaires avec les critiques de HPO envers le référendum soulève des questions sur l’indépendance de la justice gabonaise et la capacité du gouvernement à respecter les droits politiques de ses opposants. Les méthodes employées rappellent des pratiques autoritaires que le CTRI prétendait vouloir abolir, ce qui met à l’épreuve les engagements démocratiques de la transition.
Entre incertitudes et enjeux pour la démocratie
HPO, aujourd’hui introuvable, aurait demandé asile à l’ambassade des États-Unis à Libreville, ce qui laisse planer un doute sur la suite de cette affaire et l’avenir de la démocratie au Gabon. La gestion de cette crise pourrait déterminer la capacité du gouvernement de transition à gérer la dissidence dans le respect des droits et libertés, et sera suivie de près par les Gabonais et la communauté internationale.
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