Alors que Dame Yvonne affirme n’avoir jamais été entendue par la police après le 9 août 2010, les documents du dossier évoquent une interpellation d’Alofa le 23 août et une garde à vue le 26. Un écart qui interpelle La Défense
Ce jeudi 10 avril 2025, la cour criminelle statuant sur l’affaire Urbain Dangnivo a poursuivi l’audition des témoins, dans une ambiance électrique et parfois confuse. Une journée marquée par le passage à la barre de Dame Yvonne Nanlimin, présentée comme victime d’un vol de moto en août 2010 – événement périphérique mais crucial pour cerner le profil de l’accusé Codjo Cossi Alofa.
Des contradictions sur les dates et les procédures
À la reprise de l’audience, après une suspension en milieu de matinée, les avocats de la défense, Maîtres Julien Aplogan et Théodore Zinflou, ont interrogé Dame Yvonne sur les circonstances du vol dont elle aurait été victime. Selon son récit, l’agression aurait eu lieu le 9 août 2010, alors qu’elle revenait d’une étude biblique. Elle affirme que sa moto lui a été arrachée sous la menace d’une arme par deux individus, dont elle dit aujourd’hui reconnaître Alofa comme l’un des auteurs. Elle précise également n’avoir été entendue par les forces de l’ordre ni le 24 août, ni à une quelconque autre date postérieure.
Or, cette version entre en contradiction avec les procès-verbaux versés au dossier : ceux-ci font état d’une arrestation d’Alofa dans la nuit du 23 au 24 août 2010, pour un autre vol de moto. De plus, le juge a rappelé qu’un procès-verbal de garde à vue avait été signé à Godomey le 26 août. L’écart entre ces différentes dates a poussé la défense à demander à la cour d’exiger plus de clarté de la part de la victime.
Me Olga Anassidé, de la partie civile, a quant à elle exhorté Dame Yvonne à un effort de mémoire, tout en demandant la convocation de David Montchewanou, autre victime supposée d’un vol de moto attribué à Alofa. Fait troublant : trois procédures différentes, toutes liées à des vols de moto intervenus en août 2010, semblent porter le même numéro d’enregistrement — le numéro 179. Une anomalie de procédure qui, selon Me Anassidé, mérite une clarification urgente.
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Un ministère public sous pression
Face à la multiplication des observations de la défense, notamment sur les incohérences chronologiques, le ministère public a tenté de relativiser, rappelant que le procès n’était pas encore à l’étape des réquisitions. Une intervention qui a suscité une vive réaction de Maître Julien Aplogan, suivi par Maître Anassidé, tous deux agacés par ce qu’ils ont qualifié d’atténuation légère d’éléments graves de la procédure. La tension est montée d’un cran dans la salle, nécessitant l’intervention du président de céans, Guillaume Laly, pour recadrer les échanges.
Ce dernier a pris le soin d’interroger lui-même Dame Yvonne, notamment sur sa reconnaissance formelle d’Alofa comme son agresseur et sur les suites données à sa plainte initiale. À la question de savoir si elle avait signé des documents le 10 août 2010 au commissariat, elle a répondu par la négative. Elle a également déclaré n’avoir été confrontée à Alofa qu’une seule fois, le 26 octobre 2010, devant un tribunal.
Retour sur la veille
La veille, le mercredi 9 avril, l’audience s’était concentrée sur la déposition de Murielle Zinzindohoué, ancienne responsable juridique chez MTN Bénin. Cette dernière a précisé avoir reçu une réquisition en 2010 concernant les données téléphoniques d’Alofa et de Dangnivo, mais uniquement sous forme de copie. Une autre réquisition datant de 2015 visait cette fois l’opérateur Moov. Elle a expliqué que, selon la réglementation, les données inactives ne sont conservées que cinq ans. Le président Laly lui a alors accordé un délai de 15 jours pour déterminer, en lien avec les services informatiques de MTN, s’il est encore possible de retrouver des traces de communication datant de plus de dix ans.
Une affaire qui reste à dénouer
Alors que le procès entame sa deuxième semaine d’audience, la vérité judiciaire reste encore floue. Les témoignages se succèdent, les procédures s’entremêlent, et la défense comme la partie civile peinent à obtenir une cohérence temporelle des faits. La cour devra trancher entre les contradictions humaines et les irrégularités procédurales, dans une affaire où les enjeux dépassent de loin le simple cadre d’un vol de moto.
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