vendredi 18 avril 2025

Bénin / Affaire Urbain Dangnivo : deux jours d’audiences à forts rebondissements, en attendant la vérité judiciaire

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Tribunal de première instance de première classe de Cotonou, ce 8 et 9 avril 2025.

La salle G du tribunal de Cotonou a été, durant deux jours, le théâtre d’une nouvelle séquence judiciaire aussi dense que déterminante dans le cadre de l’affaire Urbain Dangnivo, disparu en 2010 dans des circonstances restées jusqu’ici obscures.

Reprise le mardi 8 avril, l’audience a permis d’entendre plusieurs témoins et sachants, dont les déclarations ont fait vaciller certaines lignes établies jusque-là. Un climat de tension plane d’autant plus que le décès récent de Bernadette Sohoundji, ancienne figure centrale du dossier, ravive les interrogations sur les zones d’ombre encore nombreuses dans cette affaire.

Codjo Cossi Alofa revient sur ses aveux : « Tout était mensonge »

L’audience du mardi s’est notamment focalisée sur les propos de Codjo Cossi Alofa, principal accusé dans ce dossier. Ce dernier a pris la parole pour revenir sur ses déclarations antérieures. Selon lui, les aveux faits lors de l’instruction n’étaient qu’une mise en scène dictée par une promesse d’argent : « On m’a promis 25 millions de FCFA si j’acceptais d’endosser le meurtre de Dangnivo », a-t-il déclaré, visiblement désabusé. Il affirme ne jamais avoir connu la victime et nie toute implication dans sa disparition.

Interrogé sur l’utilisation d’un produit traditionnel nommé Ayokpê, prétendument administré à Dangnivo pour l’endormir, Alofa évoque plutôt une autre plante appelée Sokpakpè. Mais selon lui, ces éléments relèvent d’une construction destinée à satisfaire des attentes extérieures : « Tout était mensonge. »

Un spécialiste et une amertume persistante

Pour éclairer la cour sur les effets du Ayokpê, le docteur Ghislain Comlan Akabassi, médecin généraliste et connaisseur des médecines traditionnelles, a été entendu. Il a précisé que la plante en question, scientifiquement appelée Picralima nitida, pouvait effectivement provoquer un endormissement, voire la mort, en cas de dosage excessif. Toutefois, l’amertume très prononcée du produit rend sa dissimulation difficile, a-t-il souligné.

Interrogé par la partie civile sur le goût de la plante, le médecin a répondu sans détour : « C’est très amer, plus amer que la nivaquine. Même dans de l’eau, on sent que le goût est particulier. »

LIRE AUSSI : Affaire Dangnivo : les révélations de Julien Pierre Akpaki, ex-DG de l’ORTB

Julien Akpaki face à ses contradictions

Le tribunal a ensuite entendu Julien Akpaki, ancien directeur général de l’ORTB. Ce dernier a reconnu avoir orienté Auguste Amoussou, un homme se présentant comme journaliste, vers le Colonel Koumassegbo de la présidence. À la barre, Akpaki a multiplié les imprécisions, admettant qu’il ne se souvenait ni de l’auteur du communiqué diffusé à l’époque, ni de la teneur exacte de celui-ci. Il affirme ne pas avoir été au courant que la disparition d’un véhicule évoquée dans les médias correspondait à celle de Dangnivo.

Ses déclarations n’ont pas manqué de susciter l’étonnement de la défense et du ministère public, qui s’interrogent sur les motivations réelles de cette mise en contact avec les autorités sécuritaires.

Murielle Zinzindohoué et les archives de MTN

Mercredi, la cour a convoqué Murielle Zinzindohoué, employée de la société MTN Bénin, chargée de fournir des informations sur les réquisitions téléphoniques datant de 2010. Elle a déclaré ne pas reconnaître sa signature sur un document-clé du dossier, tout en admettant que le style de la réponse était conforme aux pratiques de l’entreprise.

Elle a demandé un délai pour procéder à des vérifications dans les archives de la société. Une tâche qui s’annonce ardue au vu de la vétusté des données concernées. Le président Guillaume Laly a insisté sur la nécessité d’avancer : « Ce n’est pas une audience éternelle », a-t-il tranché.

Famille Dangnivo et audition reportée

La journée s’est clôturée par une suspension à la demande de la partie civile, le tribunal souhaitant entendre l’ensemble des membres de la famille Dangnivo présents au complet, ce qui n’était pas le cas ce mercredi. Leur audition a été reprogrammée pour le jeudi 10 avril. Une femme nommée Yvonne, dont le rôle exact reste à déterminer, devrait également être entendue.

Une affaire aux multiples ramifications

Alors que le procès reprend après plusieurs années de silence, les débats révèlent une mécanique judiciaire fragilisée par les incohérences, les oublis et les silences embarrassés. Le décès de Bernadette Sohoundji, dont les implications dans ce dossier ont longtemps nourri les spéculations, résonne aujourd’hui comme un coup de théâtre supplémentaire. Nombre d’observateurs y voient un maillon de plus qui s’efface dans cette chaîne complexe de responsabilités. Son absence pèsera sans doute lourd dans l’évaluation de la vérité judiciaire.

Le procès Dangnivo se poursuit ce jeudi. Mais déjà, les positions se crispent, et la quête de vérité semble s’enfoncer dans une forêt de versions contradictoires et de souvenirs fragmentés.

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