La Banque Africaine de Développement (BAD) s’apprête à vivre une transition stratégique avec l’élection imminente de son prochain président, qui succédera à l’actuel dirigeant nigérian, Akinwumi Adesina.
Cet événement marque un tournant pour l’institution, pilier du financement du développement en Afrique, alors que le continent fait face à des défis économiques, sociaux et environnementaux majeurs.
Le choix du futur président influencera les priorités de l’Afrique pour les années à venir, notamment la diversification économique, la réduction de la pauvreté et l’adaptation au changement climatique.
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La BAD : un levier pour le développement africain
La BAD se distingue par son modèle de capital hybride, intégrant à la fois des fonds propres et des ressources extérieures, une combinaison qui lui a permis de financer des projets emblématiques tels que l’autoroute Abidjan-Lagos et des parcs solaires en Afrique de l’Est.
Cependant, malgré ces réalisations, le futur président devra surmonter des défis persistants et répondre aux attentes de nombreux acteurs, notamment les actionnaires africains et internationaux, ces derniers détenant 40 % du capital de la banque.
Sous la présidence d’Adesina, l’institution a renforcé sa visibilité et sa crédibilité, contribuant à sa solidité financière. Cependant, des défis tels que la durabilité et l’inclusion économique restent à relever pour ancrer durablement le rôle de la BAD en tant que moteur de transformation pour l’Afrique.
Romuald Wadagni : le favori de l’Afrique de l’Ouest
Parmi les candidats, Romuald Wadagni, ministre d’État chargé de l’Économie et des Finances du Bénin, se distingue comme le favori. Diplômé de Harvard, il a orchestré de profondes réformes économiques qui ont transformé le Bénin en une destination attractive pour les investisseurs étrangers.
Sa stratégie de rigueur budgétaire et de gestion financière a permis au pays de se positionner parmi les leaders économiques en Afrique de l’Ouest, avec une croissance atteignant 6,3 % en 2024.
Parmi ses réalisations majeures figurent l’émission de plusieurs euro-obligations, dont la première obligation verte du pays, largement sursouscrite, qui a mis en avant l’engagement du Bénin envers les objectifs de développement durable (ODD).
En 2024, celui qui est surnommé la »star de la finance internationale » a conduit avec succès la première émission d’obligations en dollars américains du Bénin, levant 750 millions de dollars et consolidant la crédibilité financière du pays sur les marchés internationaux.
Ces réussites financières, associées à des distinctions internationales, notamment son titre de « Meilleur ministre africain des Finances » sur plusieurs années consécutives, renforcent sa réputation et sa légitimité auprès des grands électeurs de la BAD.
Amadou Hott : l’expertise de la dette au service du développement
Ancien ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération du Sénégal, Amadou Hott apporte une expérience solide en matière de financement structuré et de gestion de la dette.
Diplômé de la Stern School of Business de l’Université de New York, il a œuvré dans des institutions bancaires de premier plan avant de rejoindre la BAD en tant que vice-président, où il a supervisé des projets de croissance verte et de transition énergétique.
À son retour au Sénégal, Hott a déployé une stratégie d’infrastructure ambitieuse qui, bien que soutenue par des emprunts internationaux, a également suscité des interrogations sur la soutenabilité de la dette publique.
Son expertise en finance, conjuguée à ses connexions internationales, en fait un candidat solide, soutenu par le président sénégalais. Toutefois, sa politique d’endettement pourrait constituer une préoccupation pour les électeurs soucieux de maintenir l’équilibre budgétaire de la BAD.
Abbas Mahamat Tolli : la stabilité financière en ligne de mire
Abbas Mahamat Tolli, candidat officiel de la Communauté Économique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), bénéficie d’une solide expérience en administration et en gestion monétaire.
Ancien gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), Tolli a travaillé de concert avec le Fonds Monétaire International pour stabiliser les réserves de change de la région et réformer les politiques monétaires.
Il apporte une vision de stabilité et de gestion conservatrice, bien qu’il puisse manquer de l’audace nécessaire pour certains aspects de la transformation économique.
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Swazi Tshabalala : un défi au consensus régional
La candidature de Bajabulile Swazi Tshabalala à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD) bouleverse la course pour diriger l’institution en 2025.
Ancienne vice-présidente principale de l’institution, Tshabalala a officialisé sa candidature avec le soutien de l’Afrique du Sud, s’éloignant ainsi du consensus régional préconisé par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), qui avait désigné le Zambien Samuel Munzele Maimbo comme candidat unique.
En rompant l’unité de vote au sein de la SADC, l’Afrique du Sud, influente avec plus de 5 % des droits de vote, modifie le paysage électoral. Bien que son expérience au sein de la BAD lui confère une continuité par rapport aux mandats d’Akinwumi Adesina, certains actionnaires pourraient favoriser un candidat de rupture.
Elle se distingue néanmoins comme la seule femme dans cette compétition, une position qui pourrait jouer en sa faveur dans un contexte où la BAD n’a jamais été dirigée par une femme.
Ousmane Kane : un profil technique en manque de soutien
Ousmane Kane, ancien ministre mauritanien, et Samuel Maimbo, banquier zambien expérimenté, complètent la liste des candidats. Fort d’une expérience notable de quinze ans au sein de cette institution et d’un parcours académique prestigieux, Kane a occupé plusieurs postes clés à la BAD, mettant en avant ses compétences en leadership et sa vision pour un développement inclusif.
Toutefois, malgré ce soutien et son engagement pour le renforcement des infrastructures et l’intégration régionale, sa réussite dépendra de la dynamique complexe des élections, où d’autres candidats de poids, comme Romuald Wadagni du Bénin ou Amadou Hott du Sénégal, apportent également des profils très compétitifs et un soutien solide.
Kane, doté d’une formation technique solide, a occupé divers postes à la BAD et au sein de la Banque centrale de Mauritanie. Il est un technicien rigoureux, mais pourrait manquer de soutien gouvernemental fort pour s’imposer.
Samuel Munzele Maimbo : entre soutien de la SADC et rivalités africaines
Samuel Munzele Maimbo est un économiste zambien, fort de près de 30 ans d’expérience dans le développement et les marchés financiers. Actuellement vice-président chargé du budget, de l’évaluation des performances et de la planification stratégique à la Banque mondiale, il supervise l’alignement des ressources sur les priorités stratégiques de l’institution.
Auparavant, il a été chef de cabinet des présidents de la Banque mondiale et directeur de la mobilisation des ressources. Sa longue carrière à la Banque mondiale, incluant des rôles clés dans le financement climatique et agricole, fait de lui un candidat solide pour la présidence de la Banque africaine de développement en 2025.
Cependant, le candidat du bloc régional SADC, qui tenait les cartes en main, a attisé les rivalités entre Pretoria et Lusaka, réduisant ainsi ses chances en raison du poids du vote de l’Afrique du Sud.
Un choix stratégique pour l’avenir du continent
L’élection du prochain président de la BAD revêt une importance cruciale pour le continent africain. Au-delà des compétences techniques et des expériences individuelles, les électeurs devront également évaluer la capacité de chaque candidat à mobiliser des ressources, à renforcer les partenariats internationaux, et à innover face aux défis économiques, sociaux et environnementaux de l’Afrique.
Romuald Wadagni se démarque actuellement comme le favori, en partie grâce aux réformes dynamiques qu’il a menées au Bénin et à son réseau d’alliances stratégiques entre les gouverneurs et les plénipotentiaires de l’institution.
Cependant, le choix final dépendra de la capacité des candidats à convaincre les actionnaires de la BAD de leur vision pour un avenir plus inclusif, plus durable et plus résilient pour l’Afrique..
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