Le Burkina Faso se retrouve à un tournant économique crucial. Confronté à une dette intérieure dépassant les 7 milliards d’euros fin 2024 (une hausse de 20 % par rapport à l’année précédente), le gouvernement de transition cherche des solutions pour honorer ses engagements financiers. Le capitaine Ibrahim Traoré a récemment fait appel aux banques afin qu’elles libèrent une partie des fonds déposés par les sociétés d’État. Mais cette initiative se heurte à la réticence du secteur bancaire.
Une stratégie risquée mais nécessaire ?
Lors de son discours du 20 mars devant les forces vives de la région du Plateau central, le président de la Transition a exprimé sa détermination à récupérer 25 % des dépôts à terme (DAT) des sociétés publiques placés dans les banques locales. Sans préciser le montant exact, il a insisté sur la nécessité pour l’État de disposer de ces liquidités afin de financer ses priorités.
« On veut notre argent pour faire du travail. Les gens trouvent qu’on ne peut pas donner l’argent parce que cela va affaiblir leur banque. Mais chaque année, les banques ont réalisé tant de milliards d’intérêts nets », a déclaré le capitaine Traoré, menaçant d’adopter des mesures plus radicales si aucun accord n’était trouvé rapidement.
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Les craintes du secteur bancaire
Cette demande intervient dans un contexte où les banques burkinabè doivent elles-mêmes gérer leurs équilibres financiers. En effet, selon Elfried Didehia, expert bancaire ayant exercé de hautes fonctions en Afrique, « l’environnement économique peut déjà mettre certaines institutions en difficulté de liquidité ».
Les placements effectués par les entreprises d’État sont des ressources à long terme pour les banques. Les retirer prématurément pourrait avoir des conséquences négatives sur le système financier, notamment en fragilisant la capacité de prêt des établissements bancaires. « Maintenant, il faudrait une discussion et puis une bonne volonté de part et d’autre pour que la liquidité soit mise à la disposition de l’État sans mettre à mal le secteur bancaire », estime l’expert.
Un dilemme économique sous pression
Si la croissance économique du Burkina Faso montre des signes de reprise, elle est accompagnée d’une inflation en hausse (+3 points en 2024), rendant plus pressants les besoins en dépenses publiques. L’État doit à la fois honorer ses engagements envers ses créanciers internes et maintenir la stabilité du secteur bancaire.
Le président Traoré a fixé un ultimatum aux banques, leur laissant jusqu’à fin mars pour libérer ces fonds. Cette approche pourrait conduire à des négociations tendues entre le gouvernement et les institutions financières. En l’absence d’un compromis, une intervention plus musclée de l’État dans le secteur bancaire n’est pas à exclure, ce qui pourrait bouleverser durablement l’environnement économique du pays.
L’enjeu est donc double : répondre aux besoins urgents de financement de l’État tout en préservant la solidité du système bancaire. La suite des événements dépendra de la capacité des deux parties à trouver un terrain d’entente avant que « la poussière ne se soulève », comme l’a averti le chef de l’État.
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