jeudi 21 novembre 2024

Bénin : La transformation locale des matières premières, clé d’une prospérité économique durable

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”Une simple visite dans un supermarché à Cotonou illustre un paradoxe économique inquiétant : 12 dollars pour 200 grammes de noix de cajou importées. Cela représente un prix de 60 000 dollars la tonne, alors que la même tonne de noix de cajou brute est exportée pour à peine 1 000 dollars. Ce fossé – un rapport de 1 à 60 – symbolise un dysfonctionnement plus large, non seulement pour le Bénin, mais pour l’ensemble des pays africains producteurs de matières premières : l’exportation de ces richesses naturelles sans transformation locale”. Gagan Gupta

Cette réalité est d’autant plus frappante lorsqu’on prend conscience que l’Afrique, chaque année, envoie plus de 3 millions de tonnes de noix de cajou brutes à l’étranger pour y être transformées. Cela représente non seulement une perte de valeur ajoutée, mais également une fuite massive d’opportunités économiques. En effet, on estime que cette exportation non transformée équivaut à la perte d’environ 120 000 emplois industriels, des emplois qui pourraient être créés localement si la transformation était réalisée sur le continent.

Le Bénin, au cœur d’une opportunité de transformation

Le Bénin est le quatrième producteur mondial de noix de cajou, avec une filière qui contribue largement à son économie agricole. Cependant, malgré cette position stratégique, le pays, comme beaucoup d’autres en Afrique de l’Ouest, peine à tirer pleinement parti de cette richesse.

La transformation locale des noix de cajou reste limitée, et la majeure partie de la production est exportée à l’état brut vers des pays comme l’Inde ou le Vietnam, où les noix sont décortiquées, transformées, puis revendues à des prix exorbitants sur les marchés internationaux. Ce modèle économique maintient l’Afrique dans un rôle de fournisseur de matières premières, sans bénéficier des retombées économiques qu’offre la transformation.

Les conséquences économiques d’une exportation brute

Exporter des matières premières brutes, comme les noix de cajou, signifie que le Bénin et l’Afrique en général se privent de plusieurs bénéfices majeurs :

Création d’emplois :

La transformation locale permettrait de générer des milliers d’emplois dans les secteurs du décorticage, du conditionnement, de la logistique, et même de la commercialisation. En comparaison, l’exportation brute offre peu d’emplois au niveau local.

Lire aussi : Le Bénin honoré par la transformation locale de son coton à travers la GDIZ

Innovation et industrialisation :

La transformation est également un vecteur d’innovation. En développant des capacités industrielles locales, le Bénin pourrait devenir un acteur majeur dans l’industrie agroalimentaire, ouvrant la porte à des investissements étrangers, au transfert de compétences, et à l’amélioration des infrastructures.

Amélioration de la balance commerciale :

Elle permettrait d’augmenter les exportations de produits finis, améliorant ainsi la balance commerciale du pays. Cela réduirait la dépendance aux fluctuations des prix des matières premières sur les marchés internationaux, offrant une plus grande stabilité économique.

Accroissement des revenus fiscaux :

Une industrie de transformation prospère génère également plus de revenus fiscaux pour l’État, qui pourrait ensuite réinvestir ces fonds dans des secteurs clés tels que l’éducation, la santé ou les infrastructures.

Développement durable :

Enfin, la transformation locale des matières premières peut favoriser des pratiques plus durables. En contrôlant la chaîne de production, les pays africains peuvent imposer des normes environnementales et sociales, contribuant à une exploitation plus responsable de leurs ressources.

Les initiatives en faveur de la transformation locale

Face à ces enjeux, plusieurs initiatives ont vu le jour, tant au niveau national qu’international, pour encourager la transformation locale des noix de cajou en Afrique. Le Bénin, par exemple, a mis en place des incitations fiscales pour attirer des investisseurs dans le secteur de l’agro-industrie. Le gouvernement a également lancé des projets d’infrastructures visant à moderniser les usines de transformation de noix de cajou.

Bénin transformation locale matières premières
 Le 19 juillet 2023, la GDIZ (Zone  Industrielle de Glo-Djigbé) procédait à l’envoi de 32 tonnes de noix de cajou, vers Dubai

Des organisations internationales comme la Banque africaine de développement (BAD) ont, elles aussi, pris des mesures pour soutenir les industries locales de transformation. La BAD a récemment lancé un programme de financement visant à développer les chaînes de valeur agricoles en Afrique de l’Ouest, avec un focus particulier sur la noix de cajou et d’autres cultures stratégiques.

Cependant, ces initiatives restent timides face à l’ampleur du défi. Pour que la transformation locale devienne une réalité, il est impératif que des investissements massifs soient réalisés dans les infrastructures industrielles, la formation des travailleurs, ainsi que dans la mise en place de politiques incitatives pour attirer les entreprises de transformation.

L’avenir de la transformation : une opportunité pour la jeunesse africaine

La transformation locale des matières premières, au-delà de ses avantages économiques immédiats, représente une opportunité unique pour la jeunesse africaine. Avec une population jeune et dynamique, l’Afrique a le potentiel de devenir le moteur mondial de la transformation agro-industrielle. En investissant dans la formation des jeunes et en créant des opportunités d’emploi dans les secteurs de la transformation, des milliers de jeunes pourraient trouver un emploi stable, contribuant ainsi à la réduction du chômage et à la lutte contre la migration clandestine.

Le moment est venu d’agir

L’Afrique est à un tournant décisif. Si elle continue à exporter ses matières premières brutes, elle restera enfermée dans un modèle économique néocolonial, dépendante des marchés étrangers et vulnérable aux chocs économiques mondiaux. En revanche, en investissant massivement dans la transformation locale, des pays comme le Bénin ont l’opportunité de s’ériger en acteurs majeurs de l’économie mondiale, tout en garantissant une prospérité durable à leurs populations.

L’heure est à l’action. Le potentiel est là, les ressources sont disponibles, et les opportunités sont immenses. Il ne manque que la volonté collective de transformer cette richesse brute en une richesse transformée, qui profitera non seulement au continent, mais au monde entier. Le temps est venu pour l’Afrique de prendre en main son destin économique, et cela passe par une révolution industrielle et agricole qui commence dès maintenant.

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