Le paysage médiatique malien est en ébullition après la suspension controversée de la chaîne privée Joliba TV News. Cette décision a été prise à la suite d’une plainte déposée par le régulateur des médias du Burkina Faso contre des propos tenus par le politicien malien Issa Kaou N’Djim lors d’un débat diffusé sur la chaîne. Ce dernier avait remis en question la véracité d’une tentative de coup d’État déjouée au Burkina, déclenchant des tensions diplomatiques et médiatiques.
De la révocation à une suspension réduite
Initialement, la Haute Autorité de la Communication (HAC) avait retiré purement et simplement la licence de Joliba TV le 26 novembre. Cette révocation a suscité une levée de boucliers au sein de la profession journalistique, dénonçant une atteinte à la liberté d’expression. Le 17 décembre, à la suite de négociations avec la Maison de la Presse du Mali, la HAC a réduit la sanction à une suspension de six mois.
Cette décision est perçue comme un compromis, mais elle ne satisfait ni la direction de Joliba TV ni les organisations de journalistes. Pour beaucoup, il s’agit d’une sanction politique visant à intimider les médias critiques sous le régime de transition militaire.
La colère des professionnels des médias
Pour un cadre de Joliba TV, cette suspension est synonyme de “six mois de suspension pour rien”, une décision lourde de conséquences économiques pour la chaîne et ses employés. Certains journalistes dénoncent une tentative de museler les médias et de réduire à néant le pluralisme et le débat public. L’un d’eux évoque même une “décapitation médiatique” destinée à priver la société malienne d’un espace d’expression citoyenne.
La profession reste déterminée à défendre coûte que coûte la liberté de la presse. « Joliba TV refuse de disparaître », assure un membre de la rédaction, soulignant que malgré les difficultés financières et les pressions, la chaîne continuera à lutter pour le droit d’informer.
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Une mobilisation persistante pour le pluralisme
La Maison de la Presse du Mali joue un rôle central dans ce combat. Son objectif : obtenir la réouverture immédiate de la chaîne. Une réunion extraordinaire est prévue le 21 décembre pour décider des prochaines étapes de cette mobilisation. Le président de l’organisation affirme que seule une réintégration sans délai de Joliba TV garantirait le respect de la liberté d’expression.
Contexte politique tendu
Cet épisode s’inscrit dans un contexte régional marqué par une pression croissante sur les médias dans les États dirigés par des juntes militaires, notamment au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Ces trois pays, qui ont formé l’Alliance des États du Sahel (AES), font face à des défis sécuritaires et politiques majeurs. La liberté de la presse y est de plus en plus fragilisée.
L’arrestation d’Issa Kaou N’Djim, ancien allié du président de transition malien, le général Assimi Goïta, illustre cette tendance. Placé sous mandat de dépôt le 13 novembre, il comparaîtra pour “offense commise publiquement envers un chef d’État étranger”.
Vers une liberté d’expression menacée ?
La suspension de Joliba TV soulève des questions cruciales sur l’avenir de la liberté de la presse au Mali. Le recul de la HAC est perçu comme une victoire partielle, mais la bataille pour le respect du droit d’informer est loin d’être gagnée. La mobilisation pour la réouverture de Joliba TV dépasse le cadre de la chaîne : elle incarne une lutte pour la préservation du pluralisme, de la liberté d’opinion et de l’indépendance des médias dans un contexte politique de plus en plus tendu.
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