jeudi 19 décembre 2024

Niger : la junte exige 100 millions d’euros de la CNPC pour un redressement fiscal record

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En quête désespérée de ressources financières, la junte militaire au pouvoir au Niger a lancé une offensive contre le géant pétrolier chinois CNPC, exigeant un paiement de 102 millions d’euros pour solder un lourd redressement fiscal concernant les années 2022 et 2023. Cette somme, représentant 66,8 milliards de francs CFA, a été réclamée à la Société de raffinage de Zinder (Soraz), une coentreprise détenue à 60 % par la CNPC et à 40 % par l’État nigérien.

Une facture salée

La Direction générale des impôts (DGI) nigérienne justifie cette somme par des impôts impayés et des pénalités diverses. Parmi les 39,2 milliards de francs CFA réclamés figurent des impôts sur les salaires, les bénéfices, les revenus mobiliers, la TVA, ainsi que des taxes sur les frais généraux des entreprises et sur l’apprentissage. À cela s’ajoutent 27,6 milliards de francs CFA de pénalités, alourdissant considérablement la facture.

L’État, bien que copropriétaire à 40 % de la Soraz, espère transférer l’intégralité du coût à la CNPC. Cependant, cette dernière, déjà mécontente des pratiques de gestion locale, pourrait opposer une résistance ferme à cette demande.

Une « machine à cash » en jeu

La CNPC argue que la Société nigérienne du pétrole (Sonidep), opérateur national, accumule des dettes importantes lorsqu’elle prélève du pétrole à la Soraz. Cette situation permet à la Sonidep de dégager des profits considérables lors de la revente de produits non payés, ce qui profite directement à l’État. Dans ce contexte, le redressement fiscal imposé par la junte semble incohérent du point de vue chinois, d’autant plus que la Soraz est devenue une source essentielle de revenus pour le régime.

Tensions croissantes

Ce litige fiscal s’inscrit dans une série de conflits entre la junte et la CNPC. En octobre, lors de la visite du président de CNPC Exploration & Development Co., Chen Jintao, aucun compromis n’a été trouvé. En parallèle, un autre différend porte sur le bloc pétrolier de Bilma, retiré à la CNPC en 2023 et réattribué à la Sonidep en mars 2024. La junte utilise cette affaire comme levier pour exiger de nouveaux paiements de la part de la compagnie chinoise.

Vers une « nigérienisation » des ressources

La prise de contrôle des actifs pétroliers et miniers par l’État symbolise la stratégie de souveraineté économique prônée par la junte. Après l’expropriation des Canadiens de GoviEx dans le secteur de l’uranium et l’expulsion de cadres d’Orano, le Niger cherche à étendre l’influence de la Sonidep dans toute la chaîne de valeur pétrolière, notamment grâce au bloc de Bilma.

Cependant, cette stratégie met à rude épreuve les relations avec les investisseurs chinois, qui restent parmi les rares partenaires étrangers encore actifs dans le pays. Depuis le coup d’État de juillet 2023, les militaires cherchent systématiquement à maximiser les contributions financières des entreprises d’État chinoises, les plaçant sous une pression constante.

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Une impasse financière

Face à l’isolement croissant du Niger sur la scène internationale, la CNPC représente une source vitale de revenus pour la junte. En mars, la compagnie avait déjà versé 400 millions de dollars pour éviter que des traders étrangers ne prennent le contrôle de la commercialisation du pétrole nigérien. Pourtant, les nouvelles exigences de la junte risquent de pousser encore plus loin les tensions, mettant en péril un partenariat déjà fragilisé.

L’avenir de la relation entre le Niger et la CNPC semble incertain, mais une chose est sûre : la quête de souveraineté économique de la junte pourrait se heurter aux réalités de la dépendance financière envers ses partenaires stratégiques.

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