mercredi 18 décembre 2024

Togo : Boycott des sénatoriales par l’opposition – Une contestation contre une démocratie verrouillée

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Alors que le Togo s’apprête à organiser le 2 février 2025 les toutes premières élections sénatoriales de son histoire, un vent de défiance souffle au sein de l’opposition.

Plusieurs partis, parmi lesquels l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC) de Jean-Pierre Fabre, les Forces Démocratiques pour la République (FDR) de Paul Dodji Apevon, et la Dynamique pour une Majorité du Peuple (DMP) de Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson, ont déjà annoncé leur boycott de ce scrutin. Ce refus de participer traduit une dénonciation unanime d’un processus électoral perçu comme une « mascarade » au service du pouvoir en place.

Un contexte de défiance politique

Ces sénatoriales s’inscrivent dans le cadre de la mise en place des institutions de la Cinquième République togolaise, une réforme constitutionnelle controversée adoptée en avril 2024. Cette refonte du système politique a instauré un régime parlementaire, supprimant l’élection présidentielle au suffrage universel direct.

Désormais, le président de la République, vidé de tout pouvoir réel, sera élu par le Parlement en Congrès. Le véritable pouvoir exécutif reviendra au président du Conseil, poste destiné au chef du parti majoritaire, actuellement Faure Gnassingbé, président du parti Union pour la République (UNIR).

Pour l’opposition, cette réforme n’est qu’un « coup d’État constitutionnel » visant à assurer une mainmise permanente de Faure Gnassingbé sur le pouvoir. En effet, le président togolais, au pouvoir depuis 2005 après avoir succédé à son père Gnassingbé Eyadéma, semble préparer une continuité indéfinie de son règne par ce nouveau dispositif institutionnel.

Des fraudes électorales dénoncées

Le boycott des sénatoriales s’appuie également sur des allégations de fraudes massives lors des élections législatives et régionales d’avril 2024. Selon les partis d’opposition, ces irrégularités ont permis au parti UNIR de rafler 108 des 113 sièges à l’Assemblée nationale.

Cette domination parlementaire garantit au pouvoir actuel le contrôle des grands électeurs, notamment les conseillers municipaux et régionaux, qui seront chargés d’élire 41 des 61 sénateurs. Les 20 autres seront directement nommés par le président de la République, renforçant ainsi une architecture politique déséquilibrée au profit du régime en place.

Jean-Pierre Fabre, leader de l’ANC, dénonce un « climat politique asphyxié par des dérives autoritaires ». Pour lui, cette réforme est une parodie de démocratie destinée à valider une hégémonie politique. De son côté, Brigitte Adjamagbo-Johnson de la DMP refuse de participer à une élection qui serait « une trahison de plus pour les Togolais ».

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Le Sénat : Une institution contestée

Le Sénat togolais, bien qu’inscrit dans la Constitution depuis 2002, n’a jamais été mis en place jusqu’à présent. Pour ses détracteurs, son instauration est une manœuvre visant à renforcer le pouvoir central en offrant une façade démocratique. La DMP considère cette chambre comme une « institution supplémentaire inutile et budgétivore » dans un pays où les besoins sociaux et économiques restent pressants.

La mise en place du Sénat intervient dans un contexte où les libertés publiques sont restreintes : les manifestations de rue sont interdites depuis 2022, réduisant ainsi les possibilités de contestation populaire. En dépit de cette situation, le camp présidentiel défend cette réforme comme un gage de « cohésion et de représentativité », une position jugée hypocrite par une opposition qui voit plutôt une stratégie pour neutraliser toute alternance politique.

Une opposition divisée ?

Si l’ANC, les FDR, et la DMP ont clairement pris position pour le boycott, le parti ADDI d’Aimé Gogué n’a pas encore tranché. Ce silence traduit une hésitation stratégique face à un paysage politique verrouillé. Toutefois, quelle que soit sa décision, l’opposition togolaise peine à proposer une alternative unie et crédible face au régime de Faure Gnassingbé. Cette dispersion des forces affaiblit leur capacité de mobilisation et renforce le pouvoir en place.

Quelles perspectives pour le Togo ?

L’organisation des sénatoriales apparaît comme la dernière étape d’une refonte constitutionnelle qui redessine profondément le paysage politique togolais. En déplaçant le centre de gravité du pouvoir vers le Parlement dominé par l’UNIR, Faure Gnassingbé semble verrouiller le système en sa faveur pour les années à venir.

Face à ce scénario, le boycott de l’opposition traduit une volonté de ne pas cautionner un processus jugé illégitime. Mais cette stratégie comporte des risques : en refusant de participer, l’opposition pourrait se marginaliser davantage, laissant le champ libre à un pouvoir qui contrôle déjà tous les leviers de l’État.

Le 2 février 2025, jour des sénatoriales, sera donc une date clé pour mesurer l’état de la démocratie au Togo et l’impact du boycott sur la dynamique politique nationale. Le peuple togolais, lui, attend toujours des institutions véritablement représentatives et respectueuses de sa volonté.

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