Ah, Sèdo, Sèdo… Tu t’en vas donc, cape au vent, le cœur lourd, mais l’ego léger. Après quatre années d’épreuves dignes d’un film hollywoodien (et on ne parle pas de ton “cinéma béninois”), tu nous offres cette lettre d’adieu en mode sacrifice héroïque. Une épopée que tu nous dépeins comme un combat acharné où, seul contre vents et marées, tu as brisé les chaînes de la médiocrité nationale.Mais au milieu de cet océan de souffrance, une question nous taraude : quid de ces anonymes qui t’ont porté, aidé, soutenu, parfois à bout de bras ?
Tu sais, ces “ceux et celles” à qui tu adresses un remerciement vague, presque protocolaire, comme on remercierait un serveur qui apporte l’addition. Non, Sèdo, ces gens méritent mieux. Ces inconnus qui t’ont évité de subir ce pays, ceux qui ont cru en tes rêves quand toi-même n’y croyais plus, ceux qui ont transformé ton “Enfant Roi” en un adulte assisté. Ah, mais c’est vrai, dans ton univers, ils ne sont qu’un décor flou, une foule indistincte applaudissant ton courage.
Le syndrome de la star incomprise
“Je n’aurais pas pu tenir sans vous”, dis-tu, avec l’intensité d’une déclaration qui se veut sincère. Mais on ne peut s’empêcher de remarquer une petite contradiction : tout ce texte est une ode à toi-même, un hymne à ton génie, une symphonie de ta résilience personnelle. L’ego, dis-tu, t’a sauvé. Et c’est vrai, on le sent bien nourri, ton ego. On lui donnerait même un standing ovation pour avoir traversé autant de souffrances dans un pays où, paraît-il, tout n’est que morosité et obstacles.
Et pourtant, Sèdo, les grands rois ne sont jamais seuls. Derrière chaque monarque se cachent des mains invisibles, des soutiens discrets. Mais toi, tu préfères te draper dans le manteau du héros solitaire. C’est pratique : personne pour contester ton récit, personne pour rappeler que même les étoiles brillent mieux avec un ciel pour les soutenir.
Un dernier conseil venu d’en haut
“Ne subissez pas ce pays”, dis-tu, comme si le pays était une entité malveillante qui s’acharnait contre toi personnellement. Mais est-ce le pays qui t’a ignoré, ou est-ce toi qui as oublié de reconnaître ces mains tendues, ces sourires discrets, ces sacrifices anonymes qui ont rendu ton parcours moins rude ? Partir, c’est une chose, mais cracher dans la soupe – ou pire, ignorer qu’il y avait une soupe – c’est un peu rude, non ?
Et puis, Sèdo, pourquoi ne dis-tu pas toute la vérité ? Pourquoi n’es-tu pas transparent sur les opportunités que tu as eues, sur les portes qui t’ont été ouvertes, sur les mains qui t’ont soutenu ? Sais-tu seulement que des centaines de milliers de Béninois auraient donné tout ce qu’ils possèdent pour ne serait-ce que 10 % des chances qui t’ont été offertes ? Mais à quoi bon, visiblement, ton royaume ne compte pas ces voix-là
Alors, cher Sèdo, bon vent dans tes aventures. Mais souviens-toi : les vrais rois, ceux qui laissent un impact sur “plusieurs décennies”, ne sont pas ceux qui s’autoproclament, mais ceux qui savent reconnaître les anonymes qui les ont hissés sur le trône.
Et au fait, pour la postérité, garde ce petit conseil : l’humilité est une couronne qui va à merveille aux Enfants Rois. Mais bon, on ne te retient pas. Le Bénin non plus, visiblement.
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