La tentative de déstabilisation du gouvernement de Patrice Talon, déjouée récemment, a suscité des réactions immédiates et fermes de la part de nombreux partis politiques et organisations de la société civile au Bénin.
Des formations politiques comme le Bloc Républicain (BR), le Mouvement des Élites Engagées pour l’Émancipation du Bénin (Moele-Bénin), l’Union Progressiste le Renouveau (UPR), ainsi que les Forces Cauris pour un Bénin Émergent (FCBE) ont unanimement condamné cette tentative de putsch, soulignant leur attachement aux principes républicains et à la stabilité du pays.
Cependant, un silence notable s’est imposé dans le paysage politique : celui du parti d’opposition Les Démocrates. Pourquoi ce parti, pourtant connu pour sa voix critique, n’a-t-il pas pris position de manière républicaine face à cet acte de déstabilisation ?
Cette absence de réaction claire interroge. Alors que l’ensemble des partis politiques, qu’ils soient dans la majorité ou dans l’opposition, se sont exprimés pour condamner cette tentative, Les Démocrates ont opté pour une posture de silence, qui laisse place à des interprétations diverses. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour tenter de comprendre cette attitude ambiguë.
Un calcul politique ou une complaisance implicite ?
La première interrogation qui vient à l’esprit est de savoir si Les Démocrates pourraient, d’une manière ou d’une autre, voir dans cette tentative de déstabilisation une opportunité politique. Le parti, qui s’est positionné comme le principal adversaire du régime de Patrice Talon, pourrait-il considérer qu’un renversement du pouvoir, même par la force, serait bénéfique à ses ambitions politiques ? Ce silence pourrait-il traduire une forme de complaisance implicite envers les instigateurs de ce coup d’État manqué ?
Il est important de rappeler que le parti Les Démocrates est composé, en grande partie, de figures politiques proches de l’ancien président Boni Yayi, dont la relation avec l’actuel chef de l’État reste tendue. Si le parti n’a jamais ouvertement soutenu des actes antidémocratiques, il n’en demeure pas moins que son opposition frontale à Talon pourrait expliquer cette absence de condamnation formelle, par peur de se ranger du côté du pouvoir en place.
Toutefois, cette stratégie de non-alignement pourrait se retourner contre eux. En effet, en refusant de se prononcer sur une affaire aussi grave, Les Démocrates prennent le risque de brouiller leur image auprès des citoyens et de la communauté internationale, qui attendent des partis d’opposition un positionnement clair sur la sauvegarde des institutions démocratiques, quelles que soient les divergences politiques.
Une question de calcul républicain ?
Il est également possible que ce silence ne soit pas le fruit d’une complaisance, mais plutôt d’une stratégie visant à ne pas se faire instrumentaliser politiquement. En refusant de condamner publiquement la tentative de coup d’État, Les Démocrates pourraient vouloir éviter de donner l’impression qu’ils soutiennent implicitement le régime en place. Dans un climat politique polarisé comme celui du Bénin, où chaque déclaration est scrutée et utilisée pour servir des intérêts partisans, le parti pourrait avoir préféré une approche prudente pour ne pas être assimilé à ceux qui soutiennent le pouvoir actuel.
Cependant, en choisissant cette voie, Les Démocrates se privent également de l’opportunité de renforcer leur crédibilité en tant que parti républicain attaché à l’État de droit. Les autres partis d’opposition, comme la FCBE, n’ont pas hésité à dénoncer cette tentative de déstabilisation, affirmant que la stabilité et la protection des institutions priment sur les rivalités politiques. Le silence des Démocrates sur ce dossier pourrait donc être interprété comme un manque de cohérence, voire un signe de désintérêt pour les valeurs républicaines.
Une stratégie de neutralité contestée
Au-delà des spéculations, il est aussi possible que Les Démocrates aient opté pour une stratégie de neutralité, estimant qu’un tel événement nécessitait du recul avant toute déclaration. Cependant, cette neutralité apparente semble en décalage avec la gravité de la situation. Un coup d’État, qu’il soit réussi ou avorté, reste une menace sérieuse pour la démocratie, et un silence prolongé sur un tel sujet peut être perçu comme une forme d’indifférence face aux institutions républicaines.
Dans un contexte où l’ensemble du spectre politique, y compris les partis qui s’opposent régulièrement à Talon, ont pris position pour condamner cette tentative de coup de force, l’attitude des Démocrates fait figure d’exception. Leur silence, qui pourrait avoir été perçu comme une posture stratégique, risque de miner leur crédibilité auprès de certains électeurs qui voient dans la stabilité institutionnelle un préalable au débat démocratique.
Les Démocrates, favorables à une déstabilisation ?
Une autre hypothèse plus radicale, bien que spéculative, serait que Les Démocrates aient vu dans cette tentative de coup d’État une option pour accéder au pouvoir, ou du moins affaiblir le régime en place. Bien qu’aucune preuve tangible ne vienne confirmer cette hypothèse, la non-réaction du parti pourrait être interprétée par certains comme un signe de sympathie pour cette initiative. Cette idée, aussi audacieuse soit-elle, pourrait expliquer pourquoi Les Démocrates n’ont pas pris le chemin de la condamnation républicaine, contrairement à Moele, UPR, BR et autres formations politiques.
Toutefois, il serait précipité de conclure que Les Démocrates soutiennent une déstabilisation du pays. Leur silence pourrait tout simplement refléter une division interne ou un manque de consensus sur la manière de réagir face à cet événement.
Un silence qui pose question
Le mutisme des Démocrates face à la tentative de déstabilisation du Bénin ne passe pas inaperçu et soulève des questions légitimes sur les motivations de ce parti. Dans un contexte où la majorité des acteurs politiques et de la société civile s’est exprimée pour défendre les institutions républicaines, l’absence de prise de position des Démocrates laisse place à l’ambiguïté. S’agit-il d’un calcul politique, d’une neutralité stratégique ou d’une complaisance implicite ? Seul l’avenir et, peut-être, une clarification publique de la part des dirigeants du parti pourront apporter des réponses à ces interrogations. Mais une chose est certaine : en temps de crise, le silence peut parfois parler plus fort que les mots.
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