vendredi 20 septembre 2024

Bénin-Burkina Faso : Ce que cachent réellement les accusations d’Ibrahim Traoré contre Cotonou

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La théorie du complot est la tendance depuis ces dernières années en Afrique de l’Ouest. Cela se traduit dans la stratégie de communication du Niger et du Burkina Faso qui lui a emboité les pas. Dans son allocution hier aux «forces vives de la Nation », le chef de la junte, le Capitaine Ibrahim Traoré a accusé le Bénin d’abriter « deux bases françaises » pour déstabiliser son pays. « Personne ne viendra nous dire qu’au Bénin il n’y a pas de bases françaises dirigées contre nous. Nous avons les preuves sous la main de bases importantes», a-t-il déclaré pour crédibiliser les allégations de son ancien dans le métier des armes, le Général Tiani du Niger.

Mais très vite, dans la soirée du 11 juillet, le Porte-parole du Gouvernement béninois, Wilfried Léandre Houngbédji, a démenti ces fake news sur les bases militaires françaises au Bénin. Dans un tweet, M. HoungbédjI  a justifié l’intérêt du dispositif militaire béninois qui a permis aux Forces de Défense et de Sécurité (FDS) de mettre en déroute des « gens venant de l’autre côté de nos frontières avec le Burkina Faso et le Niger ». Allusion faite aux terroristes. Le porte-parole a déploré  « nos frères et voisins, pour des raisons de politique domestique, s’emploient à vouloir faire de nous la source de leurs problèmes. C’est une tendance pernicieuse, venant de militaires qui connaissent ces camps et leur vocation ».

Il faudra reconnaître que l’armée béninoise est fiable et monte en puissance. Elle obtient de meilleurs résultats que l’armée du Burkina. La rhétorique de l’ennemi à nos frontières est l’essence même du populisme.

Bénin comme bouc-émissaire.

Par cette déclaration du Capitaine Ibrahim Traoré au lendemain de la création de l’Alliances des Etats du Sahel (AES) et surtout du « quitus » qu’il s’est octroyé par la « charte » qui prolonge de cinq ans le pouvoir militaire, I. Traoré a donc profité de ce discours populaire pour détourner le peuple de ses vraies préoccupations qui est son développement socioéconomique grâce à une stabilité politique et sécuritaire. Ce qui, ne semble pas être le cas pour le peuple burkinabé habitué aux sorties populaires de l’homme fort de Ouagadougou mais, il ne peut oser dénoncer les dérives par peur de représailles. A titre illustratif, le Balai citoyen, fer de lance de la société civile burkinabè est phagocyté depuis l’avènement du Capitaine au « trône » à Ouagadougou. L’un de ses membres, l’avocat de la famille Thomas Sankara, Guy Hervé Kam a été libéré sous contrôle judiciaire depuis mercredi 10 juillet après cinq mois de détention. On note aussi que « deux millions de burkinabés, soit environ 10 % de la population totale sont des déplacés internes fuyant les combats entre l’armée et les terroristes.

Au plan économique, le rapport du Conseil des ministres, pour l’année 2022, a montré que « l’inflation annuelle a atteint 14,6% contre 3,9% en 2021 » et « 3,8 % » en avril 2024, selon les données de la CEDEAO

Dans ce contexte d’agression verbale contre ses voisins béninois et ivoiriens, certains observateurs de la vie politique au Burkina pensent que « devant les difficultés répétées du Capitaine qui avait promis au lendemain de son coup d’Etat d’éradiquer le terrorisme et le faible résultat  de ses politiques, il s’est donc résolu à trouver un bouc-émissaire pour compenser ce déficit. Il chercherait dans ses accusations à tout vent, le soutien des forces vives de la Nation essoufflées ».

Victimisation, théorie du complot et musèlement, traits communs aux dictatures 

Le propre des dictatures a toujours été de désigner un ennemi commun au peuple afin de le détourner de ses préoccupations premières : bien-être et stabilité.

Mais, lorsqu’on a échoué à tenir ses promesses, à répondre aux aspirations de son peuple et à donner des réponses aux urgences de son pays, il est toujours mieux d’indiquer un ennemi commun au peuple dans le but de le manipuler. Fabriquer un ennemi suppose une mythologie nationale incluant un certain rapport à la guerre, un mécanisme de différenciation de l’autre et, enfin, l’imminence d’une menace.

Dans ce contexte, l’ennemi proche est le pays frontalier à l’encontre duquel mythologies historiques, cartographiques et géographiques viennent s’ajouter à la pression des militaires en alerte permanente. Le personnel politique use et abuse de ce discours. Puis, l’hostilité est appuyée d’un discours nationaliste aux accents variés qui peut être alarmiste (Grèce), revanchard (Bolivie), nostalgique (l’Espagne et ses présidios), victimaire (Serbie), mystique (Israël), légendaire (Jérusalem pour les Musulmans),…

Que les manipulateurs prennent conscience du danger qu’ils font peser sur nos peuples qui ont toujours vécu en harmonie. Nous leur rappelons que la guerre se joue à deux, rarement à plus de quatre, sinon cela devient trop compliqué.

L’enjeu est un morceau de terre et la guerre une expropriation violente.

Autre grande mesure annoncée par la junte est celle de « recadrer la communication » sur le Burkina Faso. « Vous pouvez ne pas m’aimer, mais vous devez aimer votre pays. Nous n’allons pas permettre à des Burkinabés de communiquer contre le Burkina Faso », a martelé Ibrahim Traoré. Désormais, le musèlement des voix sera davantage durcit au Burkina Faso.

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