vendredi 18 avril 2025

Lutte contre le blanchiment de capitaux au Bénin : la Centif sort de l’ombre

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Dans un entretien exclusif qu’il a accordé au Journal Béninois le Matinal, Abdou Rafiou Bello, président de la Cellule nationale de traitement des informations financières (Centif), dresse un bilan sans fard de l’institution qu’il dirige et lève le voile sur sa mission dans un contexte de lutte globale contre les flux financiers illicites. Plus qu’un simple organe administratif, la Centif s’impose aujourd’hui comme un rempart stratégique face à la criminalité économique.

Embryonnaire au début des années 2010, la lutte contre le blanchiment de capitaux au Bénin s’est professionnalisée sous l’impulsion du gouvernement du président Patrice Talon. À la manœuvre : la Centif, un organisme encore trop souvent perçu à tort comme un service d’espionnage économique. Abdou Rafiou Bello, son président, s’emploie à rétablir la vérité et à faire comprendre l’importance stratégique de la structure qu’il dirige depuis juillet 2024.

Une mission de souveraineté économique

Créée par la loi de 2006, la Centif est la déclinaison nationale d’une directive communautaire de l’UEMOA. Sa mission : recueillir, analyser et diffuser des renseignements financiers dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive.

« Il ne s’agit pas de traquer les populations », insiste Abdou Rafiou Bello. « Notre action vise à protéger l’économie nationale des flux financiers illicites et à garantir la stabilité du système financier. » Une précision de taille, tant les préjugés sont tenaces.

Un rôle renforcé depuis 2016

Depuis l’arrivée au pouvoir du président Talon, la Centif a bénéficié de ressources accrues et d’un cadre légal mis à jour, en conformité avec les standards internationaux. Dernier jalon : la loi du 20 février 2024 qui encadre désormais la lutte contre le blanchiment des capitaux dans un contexte élargi aux nouvelles formes de criminalité économique.

Cette évolution a permis à la Centif de renforcer sa posture et d’assumer pleinement son autonomie administrative, sans ingérence, y compris dans ses rapports transmis à la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). En chiffres, entre 2019 et 2024, 1 631 dossiers ont été traités, dont 104 transmis au Procureur spécial. Près de 850 dossiers ont été partagés avec diverses structures d’enquête ou fiscales, contribuant à un redressement fiscal de près de 4,9 milliards FCFA en 2024.

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Une modernisation en marche

Dès sa prise de fonction, Abdou Rafiou Bello a engagé la Centif dans un processus de modernisation avec un objectif : rendre la production de renseignements financiers plus rapide, plus fiable, plus efficace. Cela passe par l’interconnexion aux bases de données nationales – état civil, entreprises, déclarations fiscales, antécédents criminels – et la digitalisation complète des traitements.

Le président de la Centif se félicite par ailleurs des synergies avec d’autres entités stratégiques telles que la Direction générale des impôts, la Brigade économique et financière, ou encore le Centre national d’investigations numériques. Des collaborations qui, selon lui, « ont permis des avancées concrètes sur plusieurs affaires. »

Une ouverture sur le monde

Sur le plan international, la Centif est membre du prestigieux Egmont Group, réseau mondial des cellules de renseignements financiers, ce qui lui permet de collaborer avec 177 structures homologues à travers le monde. Elle participe également à plusieurs forums régionaux, notamment au sein de l’UEMOA, de la CEDEAO et du bassin du Lac Tchad, pour faire front commun contre les crimes économiques transfrontaliers.

Une perception à faire évoluer

L’un des défis majeurs reste toutefois la perception de la Centif par le grand public. Pour beaucoup de Béninois, l’institution reste associée à une structure de contrôle ou de surveillance. Une idée que son président entend déconstruire : « La Centif n’est pas une police secrète. Elle ne nuit pas à la liberté économique. Au contraire, elle contribue à sécuriser les investissements et à préserver l’intégrité financière du pays. »

Il alerte également sur les conséquences d’un affaiblissement du dispositif : « Une mauvaise réputation peut isoler financièrement un pays, renchérir le coût des transactions, bloquer les transferts ou l’accès aux financements internationaux. »

Des alliances pour l’efficacité

Dans le souci d’une action concertée, la Centif a signé plusieurs conventions de partenariat avec des organismes publics et privés, dont récemment avec Bénin Control, acteur clé de la chaîne d’importation. L’objectif : améliorer la remontée d’informations et détecter plus rapidement les anomalies dans les flux commerciaux.

Un appel à la responsabilité collective

En conclusion, Abdou Rafiou Bello appelle à une prise de conscience nationale : « La lutte contre le blanchiment des capitaux est un enjeu collectif. Elle ne doit pas être perçue comme une contrainte, mais comme une condition essentielle de notre souveraineté économique et de notre développement. »

Dans un contexte où la criminalité économique évolue rapidement et où les économies africaines s’interconnectent, la Centif apparaît plus que jamais comme un maillon essentiel de l’architecture de gouvernance du Bénin. Reste à faire passer le message au plus grand nombre.

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