vendredi 14 mars 2025

Alofa, le prisonnier qui n’a pas tué : une analyse juridique d’une injustice apparente

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L’affaire Dangnivo, l’un des procès les plus médiatisés du Bénin, a captivé l’opinion publique pendant plus de quinze ans, mais elle soulève également des questions cruciales sur le système judiciaire du pays.

En particulier, l’accusation portée contre Codjo Alofa, un homme maintenu en détention provisoire depuis août 2010 pour le meurtre de Pierre Urbain Dangnivo, semble aujourd’hui s’effondrer sous le poids des contradictions et des anomalies juridiques.

Si l’on s’en tient aux éléments de preuve présentés et à l’évolution du dossier, il apparaît que le crime pour lequel Alofa est accusé pourrait bien n’avoir jamais eu de réel auteur.

En tout cas, il est de plus en plus clair que cet homme n’a pas tué Dangnivo. Cette analyse explore les principales incohérences et irrégularités qui font de l’inculpation d’Alofa une affaire d’injustice apparente.

  1. L’impossibilité physique de commettre le crime

Le point le plus frappant du dossier est l’impossibilité physique pour Codjo Alofa de commettre le meurtre de Pierre Urbain Dangnivo. Selon les déclarations des avocats de la défense, Alofa se trouvait déjà en prison le 16 août 2010, bien avant la disparition de Dangnivo, survenue dans la nuit du 17 au 18 août.

Alofa était en détention sous l’autorité de la police judiciaire, ce qui rend absurde l’idée qu’il aurait pu quitter sa cellule, commettre un meurtre, et revenir sans que personne ne le remarque. Cette information est capitale car elle soulève une question fondamentale : comment un homme déjà en prison aurait-il pu être impliqué dans un meurtre commis après sa mise sous détention ?

LIRE AUSSI : Affaire Dangnivo : l’accusé Alofa était déjà en prison au moment des faits

  1. Les aveux : Un événement extrêmement suspect

Le deuxième aspect de cette affaire qui mérite une attention particulière est la nature des aveux de Codjo Alofa. Il est incontestable qu’un homme accusé de meurtre puisse être contraint de faire des aveux, mais dans ce cas, les circonstances de ces aveux restent troublantes.

Me Julien Aplogan, l’avocat de la défense, a souligné que les aveux d’Alofa ont été extorqués sous pression, dans des conditions qui, selon lui, ne sont pas conformes aux exigences du droit pénal.

Ces aveux, obtenus dans des circonstances de manipulation, ont été rétractés par Alofa lui-même dès qu’il s’est senti en sécurité pour le faire. C’est ce qui a conduit à une remise en question de l’authenticité de ses aveux, et de la crédibilité de l’enquête.

  1. Les problèmes d’identification du corps

Un autre élément fondamental dans cette affaire concerne l’identification du corps retrouvé dans la maison de Codjo Alofa. Selon les avocats de la défense, les prélèvements effectués sur le corps prétendument retrouvédans la maison d’Alofa ont été analysés, mais il subsiste de graves doutes sur l’identification de ce corps.

L’un des arguments les plus forts de la défense repose sur le fait que les prélèvements ADN effectués sur le corps ne correspondaient pas à ceux de Pierre Urbain Dangnivo. En d’autres termes, la défense avance que ce n’est pas le corps de Dangnivo qui a été retrouvé dans la maison d’Alofa, mais un autre corps, dont l’identité reste floue.

Les experts se sont retrouvés dans un imbroglio juridique où les dates de l’autopsie, de l’exhumation du corps, et du procès-verbal de scellé semblent être en totale contradiction. En conséquence, il est légitime de se demander si la procédure a bien été menée dans les règles de l’art. Le doute est donc permis quant à l’intégrité de l’enquête, et à la véracité des conclusions sur l’identification du corps.

  1. Le test ADN : Une analyse contestée

Si le test ADN semble être la pierre angulaire de l’accusation, il est aussi l’un des éléments les plus controversés de ce dossier. Bien que les experts aient affirmé un lien de parenté de 99,99 % entre le corps retrouvé et la famille de Pierre Urbain Dangnivo, la défense reste sceptique.

En effet, l’avocat met en doute l’intégrité des prélèvements faits sur le corps retrouvé chez Alofa, arguant que ceux-ci ne peuvent pas être ceux de Dangnivo. L’argument avancé par la défense est qu’un corps qui aurait été exhumé dans des conditions douteuses et mal documentées ne peut être validé comme celui de la victime.

LIRE AUSSI : Affaire Dangnivo : retour sur la troisième journée de procès

  1. L’injustice de la détention provisoire

Le cas d’Alofa soulève aussi une autre question d’ordre juridique : l’injustice de la détention provisoire prolongée. Depuis plus de quinze ans, Alofa est maintenu en détention provisoire, et plusieurs décisions de la Cour constitutionnelle ont souligné que cette détention est d’une durée anormalement longue. En droit pénal, la détention provisoire doit être justifiée par un certain nombre de critères, mais dans ce cas, l’absence de preuves solides contre lui rend sa situation d’autant plus intolérable.

La prolongation de sa détention constitue une violation de ses droits fondamentaux, et la justice béninoise pourrait se retrouver dans une position embarrassante si elle tarde à rendre un jugement équitable dans ce dossier.

  1. La nécessité de faire triompher la vérité

Il est de plus en plus clair que Codjo Alofa n’a pas tué Pierre Urbain Dangnivo, et que l’affaire repose sur des fondements juridiques fragiles. Les irrégularités dans la procédure, les aveux obtenus sous pression, les problèmes liés à l’identification du corps, ainsi que la longue détention provisoire, montrent qu’Alofa a été victime d’un dysfonctionnement judiciaire.

Il est impératif que cette affaire soit réexaminée avec rigueur, en tenant compte de l’ensemble des éléments de preuve, et en veillant à respecter les droits de l’accusé. La justice doit enfin rendre la vérité sur cette affaire et permettre à Alofa de reconstruire sa vie, après plus de quinze ans d’attente dans des conditions dégradantes.

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