Après plus d’une décennie d’attente et de spéculations, le procès très attendu de l’affaire Urbain Pierre Dangnivo s’est ouvert ce mardi 11 mars 2025 au Tribunal de première instance de Cotonou. Au cœur de cette affaire, Donatien Amoussou et Kossi Alofa, respectivement accusés d’assassinat et de complicité d’assassinat, ont comparu devant la cour pour répondre aux accusations portées contre eux.
Ce procès s’inscrit dans un contexte judiciaire délicat, marqué par de nombreuses zones d’ombre, des révélations troublantes et des soupçons d’ingérences politiques. Dès l’ouverture des débats, la défense, la partie civile et le ministère public ont engagé une bataille juridique pour élucider les circonstances de la disparition de l’ex-fonctionnaire du ministère des Finances.
Un récit aux accents de manipulation et de complot d’État ?
L’audience a été marquée par les déclarations chocs de Donatien Amoussou. Ancien militaire, il a affirmé devant la cour avoir été enrôlé dans une mission prétendument commanditée par des officiers supérieurs et orchestrée sous couvert d’une opération d’État. Selon son témoignage, le colonel Koumassegbô lui aurait ordonné d’exécuter certaines tâches en lui faisant croire qu’il s’agissait d’un devoir patriotique.
L’accusé raconte notamment une scène intrigante au domicile du colonel, où une bouteille contenant un serpent macéré dans l’alcool lui aurait été proposée. Un rite initiatique ? Un serment de fidélité ? Amoussou aurait feint de boire le contenu avant de recevoir un téléphone portable et une somme d’argent, qu’il devait remettre à un tiers. Lorsqu’il aurait refusé de s’exécuter, il aurait été écarté du groupe et menacé.
L’ancien militaire se dit victime d’une trahison, évoquant des pressions et des menaces qui auraient conduit à sa mise à l’écart, puis à son arrestation. Il va jusqu’à affirmer qu’un plan aurait été élaboré pour l’éliminer, et qu’il aurait été roué de coups pour le contraindre à garder le silence.
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Des aveux sous pression ? Alofa se défend et conteste son implication
De son côté, Kossi Alofa, second accusé dans ce dossier, a livré une version encore plus énigmatique. Initialement arrêté pour vol de moto en août 2010, il assure avoir été embarqué de force dans cette affaire et contraint d’endosser un crime qu’il nie avoir commis.
À la barre, Alofa a déclaré que son identité aurait été falsifiée par le commissaire Aledji, qui lui aurait attribué le prénom “Cossi”. Il affirme également que des promesses lui auraient été faites en échange d’une collaboration : une somme de 25 millions de FCFA et sa liberté. Pourtant, il dit n’avoir jamais reçu cette somme, si ce n’est 50 000 FCFA.
Plus troublant encore, il prétend avoir été enlevé un matin, conduit sous une cagoule et abandonné à Hilacondji, au Togo. Ce récit soulève des interrogations sur d’éventuelles manipulations visant à le faire disparaître ou à le contraindre à un exil forcé.
L’ombre d’un règlement politique ?
Les débats ont pris une tournure plus politique lorsqu’Alofa a évoqué des pressions visant à protéger un “haut responsable de l’État de l’époque”. Il assure avoir reçu l’ordre de “s’occuper” d’Urbain Pierre Dangnivo, sous prétexte que ce dernier détenait des informations compromettantes.
Si aucune preuve tangible n’a encore été produite à ce stade du procès, ces accusations alimentent les soupçons selon lesquels cette affaire pourrait être plus qu’un simple crime de droit commun. Certains éléments laissent entrevoir des ramifications politiques, d’autant plus que des personnalités influentes, telles que les anciens ministres Adrien Houngbédji et Bruno Amoussou, ont été citées au cours des audiences.
Les zones d’ombre et les enjeux judiciaires
Malgré les nombreuses déclarations, plusieurs questions restent en suspens. Où est réellement passé le corps d’Urbain Pierre Dangnivo avant sa découverte à Womey ? Pourquoi le nom du général Robert Gbian a-t-il été cité dans cette affaire ? Qui sont les véritables commanditaires ?
La partie civile s’est montrée particulièrement vigilante, exigeant la transmission des documents relatifs aux scellés du corps retrouvé. La défense, quant à elle, a insisté sur l’absence de preuves matérielles directes reliant leurs clients à l’assassinat.
Alors que les débats se poursuivent, ce procès s’annonce crucial pour établir la vérité et lever les mystères qui entourent l’une des affaires judiciaires les plus sensibles du Bénin. L’issue de cette audience pourrait non seulement déterminer le sort des accusés, mais aussi éclairer une page sombre de l’histoire politico-judiciaire du pays.
À suivre…
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