Le vernis de l’unité au sein du Parti Les Démocrates (LD) vient définitivement de se craqueler. En quelques jours, la formation dirigée par l’ancien président Boni Yayi a sombré dans une tempête politique inédite, où règlements de comptes, falsifications présumées et querelles d’ego se confondent dans un théâtre de crise.
Du rêve d’alternance au cauchemar organisationnel
Ce qui devait être une simple procédure de dépôt de candidature à la présidentielle de 2026 s’est mué en feuilleton à rebondissements. Tandis que la mouvance présidentielle déroulait sa stratégie avec la désignation anticipée de Romuald Wadagni, Les Démocrates s’enlisaient dans les hésitations et les tiraillements.
Depuis le 31 août, le contraste est saisissant : d’un côté, une machine présidentielle huilée ; de l’autre, un parti d’opposition en quête de cohésion, englué dans les rivalités régionales et les calculs personnels. Le 2 septembre, déjà, l’épisode du bus de la CENA (où les députés de LD se rendent ensemble pour retirer les fiches de parrainage) cachait mal les tensions internes. Derrière les sourires, la méfiance s’installait.
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Quand le malaise devient scandale
Puis vint l’affaire Sodjinou. Le 13 octobre, le député fait savoir qu’il retire son parrainage. Trois jours plus tard, sa lettre ouverte tombe comme une bombe. Il y dénonce la “mainmise” de Boni Yayi, la “discipline aveugle” exigée des élus, et “les intimidations, verbales voire physiques” subies par ceux qui osaient contester la ligne du parti. Un texte d’une rare virulence, où il accuse la direction de transformer Les Démocrates en une structure pyramidale verrouillée. Mais le plus croustillant était encore à venir.
19 octobre : Sodjinou contre-attaque
Dimanche 19 octobre, le député reprend la parole, cette fois non plus comme militant déçu, mais comme témoin à charge. Et ses mots claquent comme des gifles : « Je prends la parole ce jour, non pour répondre aux injures et aux affabulations, mais par devoir de vérité envers le peuple béninois. Le temps de la politique menée dans l’ombre et du mensonge organisé est révolu ».
Dans un texte en trois temps, il démonte méthodiquement ce qu’il appelle “la mauvaise foi des responsables du parti LD”. Selon lui, le vendredi 17 octobre, un huissier de justice aurait tenté, au nom du parti, de notifier à la CENA un formulaire de parrainage portant son nom, alors même qu’il avait officiellement retiré ce parrainage.
« À la date du 2 septembre, alors qu’il n’y avait aucun consensus ni débat ouvert sur la désignation du candidat, ma fiche de parrainage a été remplie au nom de Maître Renaud Agbodjo. Sans mon avis, sans mon consentement, on a rempli ma fiche ! Cela confirme que la direction du parti avait tout planifié pour justifier a posteriori une démarche frauduleuse ».
L’accusation est grave : falsification de document, usage de faux, manipulation institutionnelle. « Je le dis publiquement aujourd’hui : tous les éléments sont réunis et me fonderaient légitimement à déposer plainte pour falsification de document, faux et usage de faux contre les prétendus bénéficiaires — M. Agbodjo, M. Lodjou, et le Président du parti lui-même ».
Et pourtant, il conclut dans un ton presque magnanime : « Je ferai preuve de retenue et d’indulgence cette fois-ci. Le parti Les Démocrates a déjà suffisamment de problèmes pour lui en rajouter celui de l’exposition, devant l’opinion et les tribunaux, des inconvenances notoires de quelques-uns de ses cadres ». Un dernier coup de stylet avant de ranger la lame.
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Un parti à la dérive, une opposition en panne
Ces révélations achèvent d’écorner l’image du parti. Le 20 octobre, devant la Cour constitutionnelle, la direction du LD, censée défendre sa plainte contre la décision du tribunal, demande un report d’audience, une improvisation qui confine au désarroi. L’opposition donne l’image d’un navire sans boussole, dont les officiers se battent sur le pont pendant que la coque prend l’eau.
La fin d’un mythe ?
Ce que révèle cette crise dépasse la simple question du parrainage. C’est toute la promesse morale du LD qui s’effrite. Fondé pour incarner la transparence, la justice et la collégialité, le parti se retrouve accusé de reproduire les pires travers du pouvoir qu’il dénonce : opacité, centralisme et culte du chef.
Entre fidélité et vérité, Sodjinou a choisi la seconde. Et son acte, qu’on l’approuve ou non, rappelle à quel point la démocratie interne reste le parent pauvre de la politique béninoise.
Si rien ne change d’ici le 23 octobre date du verdict de la Cour constitutionnelle Les Démocrates risquent de sortir de cette séquence non pas comme victimes d’un système verrouillé, mais comme artisans de leur propre effondrement.
L’histoire retiendra peut-être que ce 19 octobre 2025, un homme seul, armé de ses mots, aura mis à nu un parti qui se disait démocrate et qui, ce jour-là, ne l’était plus.
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